La e-cigarette restera en vente libre
Les cigarettes électroniques resteront en vente libre. Ainsi en a décidé le Parlement européen à l’issue d’un vote, mardi 8 octobre, à Strasbourg. Une majorité d’eurodéputés s’est prononcée contre un amendement qui visait à donner le statut de médicament à ce type de cigarettes pour en limiter la diffusion.
La plupart des élus de droite – membres du Parti populaire européen, des libéraux et des eurosceptiques conservateurs – ont voté contre une telle mesure, soutenue en revanche par les socialistes et les écologistes. Ces cigarettes, dont l’impact sur la santé fait l’objet d’une controverse, seront interdites de vente aux mineurs et de publicité. La liste des produits les composant devra de plus être rendue publique.
PÉRIODE DE TRANSITION DE HUIT ANS
Au-delà du sort de l’e-cigarette, la directive vise à encadrer sévèrement l’usage des produits du tabac afin de les rendre moins attractifs auprès des jeunes. Après une vaste campagne de lobbying mené par les industriels du secteur, les eurodéputés ont décidé, comme proposé par la Commission européenne, d’interdire l’utilisation des arômes, tel que le menthol. En revanche, les cigarettes fines n’ont pas été prohibées. Une période de transition de huit ans est prévue, sur proposition de la droite européenne.
Les eurodéputés sont par ailleurs convenus de rendre plus visibles les avertissements antitabac : ils devront couvrir 65 % des paquets de cigarettes, un peu moins que les 75 % initialement proposés, et seront imprimés sur la partie supérieure des paquets.
Présentée avant l’été, la directive était portée au Parlement par Linda McAvan, eurodéputée travailliste, chef de file des antitabac. Pas moins de trois cents amendements ont été déposés. Quelles que soient leurs positions sur le fond, les eurodéputés ont tenu à adopter le texte mardi afin qu’il ne soit pas renvoyé après les élections européennes de mai 2014, comme l’ont suggéré les fabricants de tabac, dans une campagne d’une rare intensité.
L’e-cigarette, un business que l’industrie du tabac n’a pas vu venir

« On a été les premiers à s’installer sur le boulevard Magenta. Et puis les autres ont poussé comme des petits pains. » Valérie Souffir, associée chez Pause clopes, en est sûre : le phénomène des cigarettes électroniques ne fait que commencer. Et pas question pour elle de louper le coche.
L’Eurobaromètre – un ensemble d’études menées à l’échelle européenne – de mai 2012 évaluait à 500 000 le nombre de « vapoteurs » réguliers en France. L’Office français de prévention du tabagisme (OFT) estime que fin 2013, ce chiffre aura doublé. Dans son rapport sur la cigarette électronique publié en mai 2013, l’Office estime le marché à environ 40 millions d’euros en France en 2012 et de l’ordre de 100 millions d’euros à la fin de l’année 2013, soit « 3 % du marché du tabac en France ».
Mme Souffir, ex-mère au foyer a très vite senti que c’était « quelque chose dans l’air du temps ». D’abord « par curiosité », elle s’essaie au vapotage avec son frère, Raymond Berrebi, alors sans emploi. Convaincus, ils effectuent leurs premières commandes et, par « effet boule de beige », ouvrent leur premier magasin à Paris en janvier, entre République et La Chapelle.
Neuf mois plus tard, ils sont à la tête de deux magasins en nom propre dans les 1er et 10e arrondissements de Paris, d’une franchise aux Lilas, en Seine-Saint-Denis, et sont en négociations pour une deuxième. Sans vouloir dévoiler son chiffre d’affaires, Valérie Souffir souligne que sa marque se situe dans le haut de la fourchette.
Selon l’OFT, les boutiques du secteur enregistrent en moyenne « entre 120 000 et 200 000 euros de chiffre d’affaires annuel ».
« IL Y A UN MARCHÉ À PRENDRE »
Pour l’instant, la concurrence n’effraie pas Mme Souffir. Pour se démarquer, elle table sur « le conseil, le service après-vente et la qualité », et ne vend que des « marques reconnues et recherchées ». Il y a aussi « le bouche-à-oreille », ajoute une cliente, « je leur ai amené toutes mes copines ! ». « Comme on était les seuls au début, on a équipé tout le quartier », reconnait la patronne des lieux.
C’est justement « parce ce qu’il y a un marché à prendre » que David, qui souhaite garder l’anonymat, a pris le virage de la cigarette électronique. Il gère depuis 3 mois une des enseignes Phone and Clope, propriétés de France GSM. A l’origine, ces magasins ne vendaient que des téléphones. Puis la mode des e-cigarettes est arrivée et la marque s’est adaptée proposant, comme son nom l’indique, des mobiles et des cigarettes électroniques.
Mais à peine installé, David a lui décidé de se convertir au « tout cigarettes ». Dans son magasin, les petits tubes et les recharges ont pris la place des smartphones sur les présentoirs. Sa priorité est de renommer sa boutique, afin de ne plus attirer que les vapoteurs, « même si, dans le quartier, les gens sont habitués à voir les magasins changer », en fonction de la mode du moment. Les deux boutiques parisiennes de Pause Clopes ont ainsi remplacé deux « bars à sourire » (dédiés au blanchiment des dents), une des tendances 2012.
« LE PREMIER S’INSTALLE, LES AUTRES SUIVENT »
Autour de la sienne, quatre boutiques d’e-cigarettes ont ouvert, dont une directement en face. La fourchette de prix est comparable : de 30 à 100 euros environ pour une cigarette. « C’est le prix du marché, on est obligé d’être compétitif. Il en vendent sur Internet et même dans les supermarchés ! », argumente-t-il, avant d’ajouter que cette concurrence de quartier lui fait perdre environ un quart de se chiffre d’affaires par rapport à une enseigne « isolée ».
En avril 2013, l’OFT dénombrait 141 boutiques en France métropolitaine et notait que, « selon les estimations de certains connaisseurs, il y en aura probablement 300 à la fin de l’année ».

A moins que la perception de l’e-cigarette ne se dégrade. Un vendeur d’e-cigarettes rencontré dans le quartier du Temple se plaint de voir l’affluence « diminuer peu à peu ». « Une semaine normale, on fait 1 000 euros de chiffre d’affaires par semaine [soit environ moins de deux fois la moyenne établie par l’OFT]. Sauf depuis l’article de 60 millions de consommateurs« . Sorti fin août, celui-ci mettait en garde contre les substances contenues dans les e-cigarettes, « pas si inoffensives ».
Il a depuis observé une baisse de 50 % de son chiffre d’affaires, car « cela a fait peur aux gens ». Même constat chez Pause Clopes qui a observé une légère baisse des ventes en septembre – « le mois de la rentrée et des impôts » –, particulièrement sur les kits pour débutants. En attendant, tous misent sur la crise, à grand renfort de slogans tels que « Fumer tue votre budget »ou « vapoter coûte 6 à 7 fois moins cher que fumer ». Quand ils ne font pas allusion à l’arrivée de « l’hiver et des frileux qui préfèront vapoter au chaud que fumer dans le froid »…
L’INDUSTRIE DU TABAC PRISE DE COURT
Chez Clopinette, on a parié sur un autre créneau : la province, où la concurrence est beaucoup moins sévère. A la tête de 55 boutiques, dont seulement 9 à Paris, Karin Warin et Eric de Goussencourt, tous deux venus de la vente en ligne, ont été parmi les premiers à se lancer en 2011, après « environ un an d’analyse du marché de la cigarette électronique ». Ils ouvrent d’abord un site – qui « a très bien marché » – en janvier puis une première boutique à Caen quelques mois plus tard.
Dès qu’ils se sont installés dans la capitale, rue Notre-Dame-de-Nazareth, « 4 concurrents ont suivi dans les six mois », explique M. de Goussencourt. Alors, dès qu’ils ont eu plus de moyens, ils ont choisi « un meilleur emplacement », rue de Rennes ou encore rue Saint-Martin.
Aujourd’hui, ils se revendiquent numéro un du secteur en France, avec un chiffre d’affaires mensuel à 7 chiffres (3 millions d’euros en juillet) et une centaine de boutiques au total prévues d’ici à la fin de l’année.
Une croissance exponentielle qui a pris de court l’industrie du tabac, note l’OFT. La preuve, celle-ci « hésite encore à organiser sa stratégie pour récupérer ce marché ou, à l’inverse, le perturber et le détruire ».
Inquiets, seize ministres de la santé des vingt-huit pays membres de l’Union européenne, dont Marisol Touraine pour la France, ont lancé le 4 octobre un appel au Parlement pour « que toutes les institutions de l’UE s’accordent avant la fin de l’année » sur une nouvelle loi antitabac. Le vote de mardi devrait ouvrir la voie aux négociations entre les Etats membres et le Parlement européen afin de tenter de tenir cet objectif.
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