Le  “Calife auto-proclamé” Abu Bakr al-Baghdadi

[Vidéo]  [version longue] Le Hamas suit la voie de l’Etat Islamique. Par Lt.Col(ret.) Jonathan D. Halevi

  • Plus l’État islamique exerce secrètement ses subversions dans la rue palestinienne, plus le Hamas tend à adopter les méthodes terroristes du Califat.
  • En Octobre 2014 les forces de sécurité palestiniennes ont arrêté des dizaines de partisans de l’Etat islamique, dont certains avaient tenté de mettre en place des cellules secrètes et de mener des attaques terroristes. Les attaques à la voiture bélier et à l’arme blanche, inspirées de l’État islamique  ont gagné un large soutien palestinien.
  • Le Hamas ne soutient pas ouvertement le Califat islamique. Ni le Hamas ni le Jihad islamique, tous deux dépendants de l’Iran leur allié stratégique, ne sont libres d’exprimer un soutien direct ou indirect à l’État islamique, l’ennemi cardinal du régime de Téhéran.
  • Le Hamas est confiant qu’Israël s’abstiendra d’attaquer des cibles du Hamas à Gaza en raison de la trêve.
  • L’État du Califat islamique (connu sous le nom Etat islamique, IS, ISIS, ISIL ou Daesh), instauré par le Calife auto-proclamé Abou Bakr al-Baghdadi, a fondamentalement modifié la réalité du Moyen-Orient et menace de remanier les cartes géopolitiques, de changer la carte des frontières étatiques existantes, et de saper à la fois tous les Etats musulmans et les entités nationales distinctes.

Le projet de rétablissement d’un Califat a conduit à l’émergence du mouvement mondial des Frères musulmans en Egypte à la fin des années 1920; du Hizb ut-Tahrir dans les années 1950, dont la plate-forme idéologique consacre la vision du califat et l’objectif de son accomplissement; et d’autres organisations islamiques. Toutes sans exception, y compris le Hamas (la branche des Frères musulmans en «Palestine») et le Mouvement islamique en Israël, considèrent la création du Califat comme un devoir religieux. Dans l’esprit de la prophétie de Mahomet, la restauration du califat est censée être le moyen d’unifier les musulmans sous le règne de la loi islamique (charia), avant de procéder à la conquête de l’Europe et d’imposer la religion musulmane au monde entier.

L’État islamique pose un défi de poids à d’autres acteurs régionaux. Non seulement la vision de l’islam se réalise en Irak et en Syrie, où la tradition islamique attribue une importance particulière au chemin de la restauration de l’islam à son ancienne gloire, mais l’État islamique continue à consolider son pouvoir, défiant sans crainte les États-Unis et l’Occident, tout en attirant des milliers de musulmans du monde entier et inspirant des millions d’autres.

Toutes les Organisations djihadistes ne soutiennent pas l’État islamique

Les principales organisations islamiques – L’Union internationale des savants musulmans dirigée par Sheikh Yusuf al-Qaradawi, les Frères musulmans, et Hizb ut-Tahrir – ont rejeté l’appel du Calife Baghdadi à tous les musulmans pour qu’ils lui jurent allégeance. À leur avis, l’établissement du Califat ne répond pas aux conditions stipulées par l’Islam et n’est donc pas valide. Dans le même temps, ces groupes nient résolument la légitimité de la guerre menée par les Etats-Unis et la coalition internationale et arabe contre l’Etat islamique.

Ainsi, par exemple, le Cheikh Qaradawi a écrit sur son compte Twitter: «Je suis en désaccord avec la conception et l’approche idéologique de l’État islamique; mais je ne serai jamais d’accord que les États-Unis soient à la tête du combat.» C’est parce que les Américains «ne sont pas motivés par les valeurs de l’Islam, mais plutôt par leurs propres intérêts, même si le sang doit être versé.»

Le Front d’action islamique, qui est le bras politique des Frères musulmans en Jordanie, s’est prononcé contre la participation du Royaume hachémite à la coalition militaire contre l’État islamique. Une déclaration publiée par le groupe le 11 Septembre 2014  déclarait que la campagne contre l’État islamique « n’est pas notre guerre. » Hizb ut-Tahrir a pris une position similaire quand il a sans équivoque affirmé que « la participation à la coalition impérialiste d’Obama [contre l’État islamique] est un crime grave. »

Ce qui est implicite dans l’ambivalence de la posture de ces organisations est le défi déconcertant que le Califat leur pose. D’une part, ils ne veulent pas prêter serment d’allégeance au Calife, car cela exige une soumission totale au régime du Califat avec tout ce que cela implique; d’autre part, ils veulent défendre le Califat contre la coalition internationale et arabe même s’ils savent que le renforcement continu du Califat pourrait conduire à la chute des régimes existants et l’annexion d’Etats supplémentaires en vertu de la loi de Baghdadi.

Un autre facteur très important pour ces organisations, est que le Califat islamique exerce une grande influence au-delà des frontières de Syrie et d’Irak. Dans son discours proclamant le Califat, Baghdadi n’a pas demandé le soutien des organisations islamiques. Comme Calife il se considère le représentant de tous les musulmans du monde, et il appelle directement à l’allégeance et au djihad. Baghdadi exerce ainsi une influence sur les autres organisations islamiques; il cherche des recrues pour l’armée du Califat, espérant créer dans les pays musulmans, des ramifications qui travaillent à renverser les gouvernements en place.

L’Etat Islamique et les palestiniens

L’État islamique exerce également une influence considérable sur l’Autorité palestinienne en Judée-Samarie et à Gaza, qui est effectivement sous la domination du Hamas. Lorsque, le 21 Septembre 2014, le porte-parole du califat Sheikh Abu Muhammad al-Adnani a appelé les musulmans à travers le monde à s’engager dans le jihad contre les infidèles et à les tuer sans discernement, de quelque manière, y compris en fonçant sur eux avec leurs voitures et à coups de couteaux, ces mots ont trouvé un large écho dans le camp palestinien. Au cours des deux derniers mois il y a eu de nombreuses attaques à l’arme blanche et à la voiture bélier en Israël et en Judée-Samarie; la plus grave fut le carnage de la synagogue de Jérusalem le 18 Novembre 2014, où quatre rabbins et un policier furent assassinés avec des pistolets, des couperets et des couteaux.

Que le pouvoir d’attraction du Califat ne soit pas passé inaperçu chez les hauts responsables du Hamas est visible dans les articles du quotidien attitré du Hamas Felesteen (felesteen.ps), publié à Gaza.

Dr Yusuf Rizaka, qui était ministre des lieux saints dans le gouvernement du Hamas dirigé par Ismail Haniyeh et qui a servi comme conseiller auprès de Haniyeh, fait l’éloge du « djihad privé » qui remporte l’adhésion de la jeune génération à Jérusalem, et explique que certains commandements religieux s’appliquent à tous les musulmans sans que l’approbation parentale ne soit requise pour les exécuter. Rizaka ajoute:

« Le djihad privé est une déclaration de mort lancée par le régime arabe et le libérateur arabe [des territoires occupés] et la montée du sphinx palestinien depuis les sables de la réalité actuelle afin de mener la guerre des héros contre l’ennemi, les guerriers du suicide et, ainsi, de faire revivre l’époque de Yehiya Ayash [le commandant des Brigades d’Al-Aqsa qui était derrière une vague d’attentats-suicide], Hassan Salameh [un opérateur des Brigades Al-Aqsa de Gaza qui a envoyé plusieurs kamikazes à des missions en Judée-Samarie], Amar Abu Sirhan [un terroriste palestinien qui a poignardé trois Israéliens à mort en 1990], et [l’assaut de] aux couteaux à Jaffa ».

Dr Abd al-Hamid al-Farani, chercheur au ministère des Affaires religieuses et au Wakf, admet dans un article de Felesteen le 20 Octobre 2014 que «la question principale qui occupe le monde d’aujourd’hui, y compris les Arabes et les musulmans, est la question de l’État islamique et le danger apparent qu’il pose». Selon lui, «le danger ostensible [de l’État islamique] n’est pas du tout égal au danger sioniste qui se profile au cœur de la Palestine depuis plus de six décennies.»

Selon al-Farani, l’État islamique ne constitue pas nécessairement une menace et la tâche la plus importante est de libérer la Palestine par la lutte armée:

«Vos considérations sur l’État islamique ne m’intéressent pas, car ce qui m’intéresse est plus grand que ne importe quelle organisation, parti, ou plate-forme idéologique, et c’est Al-Aqsa [la mosquée], O la nation de Mahomet vous invite et vous appelle à la mettre au sommet de votre liste de priorités, non pas en paroles et en bavardage, mais par les armées et l’aviation.»

Dans un article de Felesteen du 19 Octobre 2014, Dr. Adnan Abu Amar de l’Université islamique de Gaza, note que des éléments salafistes djihadistes ont quitté  le Hamas sur des différends idéologiques et ont immédiatement adhéré à des organisations islamistes radicales, dont  l’État islamique.

Imad Afana, un universitaire palestinien dans le domaine islamique et originaire de Damas, a écrit dans Felesteen le 1er Octobre 2014, que «l’Etat islamique en Irak et au Levant et l’établissement du califat est un rêve qui enflamme l’imagination de chaque musulman dans le monde ».  Il a ajouté : « Aujourd’hui, il y a une grande volonté chez les jeunes musulmans de rejoindre d’autres organisations islamiques comme Al-Nusra et l’État islamique, du fait de la prophétie et des nombreux hadiths du Prophète sur les vertus du contrôle du Levant, les guerriers du djihad du Levant et les martyrs du Levant, et aussi le dicton que la libération d’Al-Quds [Jérusalem] est montée depuis le Levant vers la Jordanie ….À la lumière de la réalité sécuritaire et politique de Gaza, qui a nécessité un cessez le feu temporaire avec Israël après la guerre, mais aussi en Cisjordanie, sur la frontière jordanienne, et au Liban, en Syrie et en Egypte, ce qui est requis est ‘le réglage permanent de la boussole de la oumma [la nation islamique] et de son activité djihadiste dans le sens d’Al-Qods et de la libération de la Palestine’. »

Ici, Afana trouve une réponse efficace à l’intérêt de l’État islamique sur l’Irak et la Syrie, qui à son avis diverge de la lutte pour la Palestine.

Il y a, cependant, des signes évidents de la tendance en faveur de l’Etat islamique. En Octobre 2014, les forces de sécurité palestiniennes ont arrêté des dizaines de partisans de l’Etat islamique, dont certains avaient tenté de mettre en place des cellules secrètes pour lancer des attaques terroristes. Les attaques à la voiture bélier et aux couteaux inspirées de l’État islamique ont gagné un large soutien palestinien. Immédiatement après l’annonce du massacre à la synagogue de Jérusalem, de joyeuses festivités se sont déroulées dans toute  la bande de Gaza et en Judée-Samarie, avec la pratique traditionnelle de la distribution de bonbons aux passants.

Dans Felesteen le 20 Novembre, le journaliste palestinien Khaled Maali a expliqué les implications du massacre de la synagogue dans l’esprit de l’État islamique:
«L’opération Al-Qods est parvenue immédiatement aux oreilles des colons, et l’état de traumatisme, la terreur et la peur se reflètent dans leurs visages, car l’opération leur a transmis le message suivant: ‘Vous allez être massacrés comme des moutons si vous restez sur une terre qui n’est pas la vôtre et que vous profanez la Mosquée Al-Aqsa …. Tous les palestiniens et les libéraux du monde savent que tous les colons [qui signifie, dans ce contexte, chaque Juif qui vit en Terre d’Israël] est un assassin et un voleur [de terre], et n’est pas innocent.’»

Au lendemain du massacre, Felesteen a publié un dessin montrant le cadavre décapité d’un jeune Juif avec la légende : «Voici Al-Quds [Jérusalem]». Des dessins dans la même veine, louant l’agression et les attaques à la voiture bélier, apparu sur les réseaux sociaux des différentes organisations palestiniennes. C’était une continuation de la campagne « Daes » – un jeu sur le mot arabe Daes (piétinement) et l’acronyme arabe pour l’État islamique, Daesh. Ce thème «Ecraser le Juif» a également été exprimé en chansons et en vidéos qui vantent les meurtriers palestiniens.

PalIncitement-300x206

Par exemple, une nouvelle vidéo bien conçue, « La Révolution des couteaux » par Ismail Nasser Farahat de Gaza, qui, apparemment, vit en Turquie et travaille pour Objectif Vie de Media Productions, appelle les palestiniens à tuer des soldats israéliens quotidiennement. La vidéo encourage les palestiniens à surmonter tous les obstacles et à préparer les armes nécessaires aux attaques sanglantes. Au début du clip apparaît un palestinien masqué qui prépare un couteau avec diligence. Il l’aiguise bien avec une machine à aiguisage et quand il achève sa tâche dans l’atelier, il l’arbore fièrement. Un message s’affiche en arabe: «Lève-toi et venge-toi, prépare l’arme de la vengeance, massacre les soldats-singes juifs, et massacre les chaque jour à nouveau, puisque tu es la mort, tu es la destruction et tu es le martyr.»

Après cela, le Palestinien masqué est montré en train d’attaquer un soldat israélien par derrière, et il le poignarde à mort. Le cadavre du soldat est abandonné sur le sol dans une grande mare de sang.

Le palestinien masqué brandit l’arme assassine et parle à la caméra, mais sa voix n’est pas audible. Au lieu de cela le message qu’il veut exprimer est indiqué en arabe et en hébreu (avec des erreurs d’orthographe et de syntaxe): « Laissez notre terre, nous sommes la promesse du ciel pour vous et nous allons vous détruire, laissez notre terre, nous sommes l’histoire ici, et nous sommes les émissaires de l’enfer pour vous, fils de Sion « .

Le Hamas ne soutient pas ouvertement le Califat islamique, et ses hauts fonctionnaires ne font que rarement référence à lui, officiellement. Lors d’une conférence de presse en Tunisie le 13 Septembre 2014, le chef du Hamas, Khaled Mechaal a été interrogé à propos de l’affirmation israélienne selon laquelle le Hamas est similaire à l’État islamique. Il a répondu:

«Le mouvement de lutte islamique du Hamas représente un exemple dans la région avec son appel dès le début à la modération et à la voie médiane dans l’interprétation de l’islam, au dialogue, à une approche rationnelle pour répondre à une idée par une idée et à une opinion par une opinion …. Le Hamas a donné à la région un exemple de modération politique, d’ouverture aux sphères régionales et internationales ainsi que le respect des principes nationaux du peuple palestinien.»

Ici, Meshaal a fait preuve de prudence pour ne pas critiquer directement l’État islamique.
Il ne l’a pas mentionné du tout mais a expliqué l’approche du Hamas, indiquant que sa stratégie conduit à des réalisations sans sacrifier sa plate-forme idéologique.

Screenshot from https://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=HMm62qtA13c

screenshoot-300x149

Le Hamas navigue entre l’État islamique et son patron, l’Iran

Ni le Hamas ni le Jihad islamique, qui sont tous deux dépendants de l’Iran leur allié stratégique, ne sont  libres d’exprimer un soutien direct ou indirect à l’État islamique, l’ennemi cardinal du régime de Téhéran. Les références à l’État islamique qui proviennent d’Iran, y compris du chef suprême Ali Khamenei lui-même, sont sans équivoque et définissent clairement des lignes rouges pour les organisations palestiniennes.

L’assistant du ministre des Affaires étrangères pour les affaires arabes et africaines, Hossein Amir Abdel-Lahian, a déclaré dans ce contexte que si l’État islamique était vraiment un défenseur des sunnites, il soutiendrait le Hamas et les autres organisations de la lutte palestinienne; en d’autres termes, l’État islamique est un ennemi du monde sunnite et pas seulement du monde chiite. Le 16 Octobre 2014, le chef du Jihad islamique, Ramadan Salah, est arrivé pour une visite à Téhéran qui selon l’annonce officielle, visait à discuter entre autres choses du danger que l’État islamique constitue, y compris le détournement de la lutte pour la Palestine vers d’autres fronts.

Le Hamas s’est engagé à l’heure actuelle dans une trêve temporaire dans la bande de Gaza. Mais cette période de terreur réduite de Gaza, même si les préparatifs pour la prochaine campagne avancent, a laissé un vide. L’État islamique s’est engouffré dans ce vide dans un élan djihadiste tandis qu’il réalise des victoires sur le champ de bataille, combat l’Occident sans appréhension, applique la loi islamique, et promet de libérer la Palestine après avoir renversé les régimes arabes «traîtres» en Arabie Saoudite et en Jordanie.

Face à ce défi, qui menace d’éroder le soutien populaire du Hamas et a déjà poussé les agents du Hamas à quitter l’organisation pour l’Etat islamique, le Hamas essaie d’ouvrir un front avec Israël en Judée-Samarie et à Jérusalem ou du moins de surfer sur la vague du « djihad privé».

Cette approche est conforme à l’objectif stratégique du Hamas de démonter la gouvernance de l’Autorité palestinienne en Judée-Samarie, en se substituant au gouvernement palestinien, et faire de la Judée-Samarie une base pour la prochaine attaque terroriste sur Israël – qui serait menée d’une position largement supérieure à Gaza.

Ainsi le Hamas a adopté les méthodes terroristes de l’État islamique sans mentionner la source d’inspiration. Plus la compétition tacite avec l’Etat islamique s’intensifie sur la rue palestinienne, plus le Hamas est susceptible d’intensifier ces méthodes. Ce faisant, tout en proclamant à plusieurs reprises une troisième Intifada, le Hamas veut être considéré comme le pilier du djihad contre Israël, et il reste confiant qu’en raison de la trêve, Israël s’abstiendra d’attaquer les cibles du Hamas à Gaza en réponse aux attaques terroristes de Judée-Samarie, ou aux attaques lancées en territoire israélien, depuis la Judée-Samarie.

 

Lt. Col. (ret.) Jonathan D. Halevi,  27 novembre 2014 –Vol. 14, No. 38
Institute for Contemporary Affairs

Bon comme un citron bien rond !

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :