Trois pays de l’UE luttent massivement contre les grow shops et leurs clients.
Aux Pays-Bas, il existe depuis les années 1980 des grow shops, dans lesquels on peut acheter tout ce qu’il faut pour cultiver des plantes sous lumière artificielle. La plupart des clients cultivent illégalement du cannabis avec du matériel qu’ils achètent légalement. Ce phénomène s’est ensuite propagé en Allemagne et en Suisse au milieu des années 1990. A l’aube du millénaire, de nouveaux grow shops ont ouvert leurs portes dans de nombreux pays de l’UE, aux États-Unis et en Amérique du Sud. Quelques pays, comme la Grèce ou la France, se sont montrés très restrictifs à l’égard de ces magasins au début ; d’autres, comme l’Espagne, la République Tchèque ou l’Allemagne ont laissé ou laissent faire ces boutiques, tant qu’elles ne cultivent ou ne vendent pas carrément elles-mêmes. Cela avait valeur de règle non écrite, particulièrement aux Pays-Bas, en République Tchèque et en Allemagne. En Allemagne, les graines appropriées étaient certes illégales depuis 1998, mais à de rares exceptions près, les boutiques pouvaient agir impunément. En République Tchèque et aux Pays-Bas, elles pouvaient même il y a peu de temps encore vendre des graines tout à fait légalement, ce qui n’est aujourd’hui plus le cas dans ces deux pays. En effet, si elles sont toujours légales en République Tchèque et aux Pays-Bas, les graines ne sont plus autorisées à la vente dans les magasins qui proposent également des accessoires pour la culture.
Même si les conditions et les conséquences directes sur les boutiques et les clients diffèrent quelque peu d’un pays à l’autre, le législateur et la police ont considérablement accentué la pression appliquée sur les grow shops au cours des deux dernières années dans ces trois pays.
La République Tchèque
Jusqu’en 2013, les grow shops n’avaient jamais de problèmes en République Tchèque. Puis, à l’automne 2013, il y eut une action prolongée de la police pendant plusieurs mois à l’encontre de plusieurs centaines de magasins. La raison en était une loi évasive contre la « propagation de la toxicomanie », qui, d’un coup, avait été réinterprétée. Dès lors, certaines boutiques ont fermé et celles qui restent ouvertes n’osent plus proposer de graines, de livres, ni même de magazines ayant pour thème central le cannabis. Les graines de cannabis sont cependant toujours légales, tant qu’elles ne sont pas proposées avec du matériel de culture. C’est la raison pour laquelle, en République Tchèque, les graines sont maintenant principalement vendues sur Internet. En outre, la réglementation libérale, selon laquelle le fait de posséder jusqu’à 15 grammes de cannabis pour un usage personnel est considéré comme une simple infraction, a vu cette limite ramenée à 10 grammes. La culture d’un maximum de cinq plantes, qui n’est également considérée que comme une infraction, est restée inchangée et demeure toujours tolérée.
L’Allemagne
En Allemagne, de par divers jugements, les choses étaient claires : les grow shops étaient légaux et pouvaient même vendre des publications traitant de la culture, mais elles ne devaient en aucun cas conseiller les clients sur la culture des graines de cannabis. À quelques exceptions près, de très nombreux détaillants et grossistes ont pu s’établir, particulièrement dans le nord et l’ouest. En définitive, au milieu des années 1990, l’Allemagne et la Suisse étaient, après les Pays-Bas, les premiers pays européens dans lesquels une culture d’intérieur se développait.
En 2007, une action à l’échelle fédérale fut entamée contre une boutique en ligne, qui donnait ouvertement des conseils pour la culture du cannabis. Dès lors, les commerçants et grossistes veillèrent à respecter plus scrupuleusement encore l’interdiction de conseil et purent en principe travailler sans problème jusqu’en 2014. Cependant, depuis les perquisitions menées il y a un peu plus d’un an dans plusieurs grow shops à Brême et chez un grossiste à Hannovre, on entend régulièrement parler de cultivateurs de cannabis qui se sont faits prendre, ce qui a un lien avec ces évènements. La police et le ministère public avaient alors saisi des quantités énormes de données et finirent par transmettre les résultats de l’enquête. Il semble que le nombre de clients concernés soit particulièrement important, notamment dans le sud de l’Allemagne. Un grow shop de Witten, dans la Ruhr, est récemment devenu la proie de l’offensive menée par les enquêteurs. Le propriétaire, Pascal Drisch, dont le magasin a été en premier concerné, s’oppose publiquement aux reproches formulés par le ministère public à l’encontre de son entreprise :
« Chers clients, chers partenaires et amis,
Il est de notre devoir de vous informer que le tribunal d’instance de Bochum a ordonné une perquisition de nos locaux. Dans le cadre du droit d’accès à l’information et dans un souci de liberté et de transparence, nous vous informons par la présente que des copies de nos disques durs ont été réalisées. Ainsi, non seulement nous et la NSA, mais aussi le tribunal d’instance de Bochum, disposons maintenant de l’ensemble des communications envoyées et reçues par courrier électronique à l’adresse info@progrow.de et de tous les autres e-mails traités par l’intermédiaire de progrow.de. La raison connue à ce jour de ces perquisitions est l’enquête menée à l’encontre d’un grossiste allemand dont nous sommes client. Dans le cadre de cette enquête, il a été reproché au grossiste, et maintenant à nous aussi, d’avoir enfreint la loi sur les stupéfiants (BtMG) §§ 29 alinéa 1 No.1 et l’article 27 du code pénal (StGB). Ceux qui nous connaissent mieux savent tout naturellement à quel point ces allégations sont manifestement erronées […]. Preuves recueillies et saisies après la perquisition approfondie de l’ensemble de notre magasin : 0 (en d’autres termes : zéro, rien, nada). Toutefois, il avait été explicitement ordonné de faire la copie de nos ordinateurs afin de saisir les listes de clients de notre boutique en ligne. Bien que cela soit véritablement inutile, nous rappelons que nous n’avons aucune boutique en ligne.[….] et [….] ne faisons pas de vente par correspondance [….].
Cordialement,
Pascal Drisch »
L’action ne semblant pas encore être terminée, des craintes circulent sur les forums cannabiques germanophones comme quoi de nouvelles perquisitions puissent être menées en raison de l’abondance des données saisies.
Les Pays-Bas
Une nouvelle loi très stricte sur les grow shops est en vigueur aux Pays-Bas depuis le 1er mars 2015. Si les magasins peuvent encore vendre de l’équipement pour la culture, ils ne doivent en principe le faire qu’en tant que fleuristes. Les noms ambigus, les graines, les livres et les conseils personnalisés appartiennent au passé. Quiconque, propriétaire ou employé, suspecte ou a connaissance d’activités criminelles de la part de ses clients et n’en informe pas la police, encourt une peine pour complicité. Depuis l’entrée en vigueur de la réglementation restrictive, la police néerlandaise a déjà mené de nombreuses opérations en vertu de la loi. Et elle ne se gêne pas pour revendre aux enchères le matériel confisqué. Les petits cultivateurs qui n’ont pas plus de cinq plantes ne sont certes pas concernés par la loi, tant qu’ils n’utilisent pas de matériel professionnel. Néanmoins, ce qui est considéré comme « professionnel » relève de l’appréciation de l’enquêteur, du ministère public ainsi que du juge. Après avoir imposé des règles de plus en plus strictes aux coffee shops, on s’en prend maintenant aux grow shops. Il semble presque que le gouvernement conservateur des Pays-Bas veuille abandonner totalement la voie de la tolérance empruntée il y a 40 ans. Même cinq plantes cultivées à la lumière artificielle, qui n’auraient intéressé personne il y a quelques années encore, peuvent aujourd’hui être considérées comme de la « culture professionnelle ».
Bien qu’à l’échelle internationale les signes montrent clairement que l’on va vers la régularisation, quelques membres de l’UE, et malheureusement la Suisse aussi, semblent vouloir revenir en arrière en ce qui concerne les grow shops. On ne parvient pas encore à savoir si ces pays s’entendent au préalable ou si chacun fait les choses à sa manière. Cependant, le perpétuel débat autour de la légalisation semble laisser croire à certains qu’ils peuvent fragiliser le mouvement en criminalisant les grow shops quasiment du jour au lendemain. À moins que l’on souhaite accumuler les plaintes et éradiquer la culture privée avant que le cannabis ne soit réglementé, comme le gouvernement canadien essaie de le faire depuis des années. Il serait alors logique d’accuser également les armuriers allemands, tchèques et néerlandais de complicité de meurtre dans le monde entier. Ces derniers peuvent même expliquer à leurs clients comment tuer de la manière la plus efficace avec leurs produits, ce qui n’est pas le cas des propriétaires de grow shops avec la culture du cannabis.