Alors que la situation était totalement bloquée samedi 25 janvier en Ukraine, où des affrontements ont causé la mort d’un policier,
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le pouvoir semble rechercher une médiation à l’étranger pour l’aider à sortir de la crise. De manière inattendue, c’est à Davos, où se tient le Forum économique mondial et où se trouvent de nombreux responsables européens, que se sont concentrés les efforts vendredi.

3520916_3_6dd2_le-premier-ministre-ukrainien-mykola-azarov_902cb57164ac4eb7c4be5bf18e94b956Le président Ianoukovitch et l’ancien champion de boxe Vitali Klitschko, l’un des chefs de l’opposition, avaient été invités au Forum mais, devant la gravité des événements, ont jugé préférable de ne pas bouger de Kiev. C’est le premier ministre, Mykola Azarov, qui a fait le déplacement ; une députée proche de M. Klitschko, Olga Bielkova, était également présente.

Depuis la station suisse, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a téléphoné jeudi au président Ianoukovitch pour le mettre en garde contre les « conséquences » auxquelles il s’exposerait si la répression s’aggravait. Il a également demandé à au commissaire à l’élargissement, Stefan Füle, de se rendre à Kiev dès vendredi et à Catherine Ashton, la chef de la diplomatie européenne, d’y aller la semaine prochaine.cncg

Dans une interview accordée au Monde vendredi après-midi, M. Azarov, qui est aussi chef du Parti des régions, le parti du président, a estimé que l’Union européenne (UE) pourrait « contribuer positivement » à la situation en Ukraine si Mme Ashton « amenait à la table des négociations les gens qui se disent pro-européens, comme Iatseniouk ou Klitschko, et leur disait : “Mes amis, mettez-vous d’accord avec le gouvernement et avec le Parlement sur un arrêt des violences.” Alors, la situation pourrait se normaliser. »
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Le premier ministre a réitéré la disposition du pouvoir ukrainien « à coopérer davantage avec partenaires européens », rappelant que la décision de ne pas signer l’accord d’association avec l’UE, qui a déclenché la crise actuelle, n’était que « temporaire » et dictée par les circonstances économiques. Mais il a exigé des Européens qu’ils « condamnent clairement les attaques contre la police et les bâtiments officiels et les tentatives de renversement du gouvernement ». « Nous sommes prêts à renoncer à la violence, mais il faut aussi que la foule renonce à la violence », a expliqué M. Azarov.
gcnngnggAussitôt après cette interview, le premier ministre ukrainien s’est entretenu avec le président suisse, Didier Burkhalter. A l’issue de leur rencontre, M. Azarov a émis le souhait que la Suisse, « pays neutre » qui assure actuellement la présidence de l’OSCE, puisse assister l’Ukraine dans la recherche d’une sortie de crise.

LES AFFRONTEMENTS ONT REPRIS VENDREDI SOIR

Ces propos traduisent l’impasse dans laquelle se trouve le pouvoir ukrainien face à une révolte qui a pris une dimension nouvelle et dramatique avec la mort, cette semaine, de plusieurs manifestants. M. Azarov accuse l’opposition d’avoir voulu « reproduire le scénario de la “révolution orange” de 2004 » et « n’exclut pas des provocations » de la part des « extrémistes néonazis ». Le premier ministre a assuré au Monde que le pouvoir « était prêt à discuter avec l’opposition » du retrait de la législation répressive dont l’adoption, le 16 janvier, a provoqué une nouvelle vague de protestations. Des discussions ont eu lieu. De fait, le président Ianoukovitch a annoncé vendredi après-midi le retrait de certaines de ces mesures ainsi qu’un remaniement du gouvernement, sans donner de détails.
iyfMais ces concessions n’ont pas eu l’effet escompté, puisque les affrontements ont repris vendredi soir. Vitali Klitschko a même laissé entendre que seul le départ de M. Ianoukovitch pourrait désormais mettre fin au mouvement de protestation dans la rue. « Il y a un mois, les gens seraient rentrés chez eux, a-t-il dit à des journalistes, selon l’agence de presse Interfax. Aujourd’hui, ils réclament la démission du président. »

La crise s’est à ce point aggravée ces derniers jours et la confiance entre le pouvoir et l’opposition s’est à ce point effondrée que « des mesures qui auraient pu apporter une solution la semaine dernière sont dépassées cette semaine », a commenté, à Davos, Pat Cox, émissaire du Parlement européen pour l’Ukraine avec l’ex-président polonais Aleksander Kwasniewski. « Les gens dans la rue ont perdu toute foi dans les institutions. Si aucune responsabilité pour les violences commises n’est établie, je crains le pire. »
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« LE PRÉSIDENT EST LE GARANT DE LA CONSTITUTION » 

Pour MM. Cox et Kwasniewski, qui se sont rendus en Ukraine plusieurs dizaines de fois depuis un an, la libération des nombreux manifestants détenus et le retrait de la législation répressive sont des conditions essentielles à toute ébauche de solution. M. Kwasniewski s’est déclaré « pessimiste » en raison du manque de confiance entre les protagonistes. Pour lui, l’un des éléments de compromis pourrait être la formation d’un gouvernement d’union nationale qui préparerait l’élection présidentielle de 2015.
11111M. Azarov a écarté, dans son entretien au Monde, l’hypothèse d’une démission du président Ianoukovitch : elle mènerait « au chaos, a-t-il répondu. L’Ukraine a un régime présidentiel, le président est le garant de la Constitution. M. Ianoukovitch a été légitimement élu et il sera réélu dans un an. » A la question « Et vous, envisageriez-vous de démissionner ? », le premier ministre a répondu que cette décision relevait du président et du Parlement.

LA CRAINTE QUE L’UKRAINE SUIVE LA VOIE DE LA BIÉLORUSSIE

Toujours à Davos, le milliardaire ukrainien et ancien ministre, Petro Porochenko, proche de l’opposition, a qualifié la crise de « crise d’Etat très profonde, comme l’Europe n’en connaît pas » et a accusé la Russie d’y contribuer « en finançant le gouvernement ».
violents-affrontements-kievA la veille du sommet UE-Russie, prévu le 28 janvier à Bruxelles, l’opposition ukrainienne multiplie les messages à destination de Bruxelles, suppliant l’UE de ne pas l’abandonner. Les responsables européens sont partagés entre une réaction de fermeté à l’égard du régime ukrainien, à l’image de la réaction américaine, qui comporterait des sanctions visant certains dirigeants de Kiev, et le souci de ne pas fermer la porte au dialogue, afin de ne pas se priver des moyens d’agir sur place.

Certains Européens redoutent que l’Ukraine ne suive la voie de la Biélorussie. Interrogé sur ce point, M. Azarov nous a répondu que précisément, il appartenait à l’UE « d’aider l’Ukraine à ne pas suivre cette voie ».
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Présent au Forum économique de Davos (Suisse), le premier ministre ukrainien, Mykola Azarov, estime dans un entretien, vendredi 24 janvier, que les événements en Ukraine sont une tentative de l’opposition de renversement le gouvernement.

Comment qualifiez-vous les événements de ces derniers jours en Ukraine, un pays qui n’avait pas connu de violences politiques d’une telle ampleur depuis des décennies ?

C’est une lutte pour le pouvoir, une tentative de renversement du gouvernement, liée à l’élection présidentielle prévue dans un an. L’opposition a profité de notre refus de signer l’accord d’association avec l’Union européenne pour provoquer une escalade de la situation, prétendant ne pas comprendre qu’il s’agissait d’une décision économique, que nous ne pouvions pas faire autrement, a moins d’être confrontés à une crise très grave. L’opposition a tiré parti du fait qu’une partie considérable de la population soutient l’Union européenne pour suivre la voie de la prétendue Révolution orange. C’est exactement le même scénario.
gcnngngg Des éléments extrémistes ont été mêlés à la population pacifique, ils se sont livrés à des provocations, ont occupé des bâtiments officiels que les forces de l’ordre ont voulu protéger, et il y a eu une amplification de la violence. A ce stade, l’opposition aurait dû appeler à l’arrêt des violences. Ce gouvernement a été légitimement élu. Et le président Ianoukovitch sera réélu dans huit mois.

Allez vous juger des gens pour tentative de putsch ?

Nous verrons comment évolue la situation. Cent soixante-dix policiers ont été hospitalisés, les organisateurs de ces troubles doivent répondre de cela.

Il y a eu aussi au moins cinq morts parmi les manifestants…

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Nous avons la confirmation de deux morts. Ce n’étaient pas des manifestants mais des gens qui essayaient de prendre des bâtiments d’assaut. Ils ont été tués par des balles artisanales, tirées par des fusils de chasse. Ce ne sont pas des armes qu’utilise la police. Nous n’excluons pas des provocations, d’autant plus que nous avons affaire à des groupes extrémistes pro-nazis, les pires du pays.

Mais il y a eu des violences filmées à l’égard des manifestants, des journalistes… Pourquoi les auteurs de ces violences ne sont-ils pas poursuivis ?£
Le président a donné des instructions pour que des enquêtes soient ouvertes.
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Catherine Ashton, la haute représentante de l’UE pour la politique extérieure, doit se rendre à Kiev la semaine prochaine. La verrez-vous ?

Oui. Nous avons dit maintes fois que notre décision stratégique de signer l’accord d’association n’avait pas changé, que son report avait un caractère temporaire. Nous sommes ouverts à plus de coopération avec nos partenaires européens. Mais nous attendons d’eux une position ferme : ils doivent condamner clairement les attaques contre la police et les bâtiments officiels et les tentatives de renversement du gouvernement. Est-ce que vous toléreriez ça chez vous ? L’UE peut rapidement contribuer à une solution si elle n’est pas partiale. Nous sommes prêts à renoncer à la violence, mais il faut aussi que la foule renonce à la violence.

Alors qu’attendez-vous de Mme Ashton ?
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Elle peut amener à la table des négociations les gens comme Arseni Iatseniouk et Vitali Klitschko [les leaders de l’opposition], qui se considèrent comme pro-européens, et leur dire : « Mes amis, mettez-vous d’accord avec le gouvernement et le Parlement sur la fin des violences. » Alors, la situation pourrait se normaliser rapidement.

Quelle est la situation dans l’est du pays ?

Elle est calme. Les trois quarts de notre PIB sont produits dans cette partie de l’Ukraine, qui fait vivre le pays. Les gens ne comprennent pas ce qui se passe à Kiev. J’ai des milliers de messages tous les jours sur ma page Facebook à ce sujet. Dans l’ouest du pays, des bâtiments administratifs ont été pris d’assaut, la vie sociale et économique est paralysée.
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Beaucoup de gens dans l’UE craignent que l’Ukraine n’emprunte la voie biélorusse. Cette crainte vous paraît-elle justifiée ?

L’UE devrait aider l’Ukraine à ne pas suivre cette voie.
Le président Ianoukovitch peut-il envisager de démissionner ?
Certainement pas ! Ce serait le chaos. L’Ukraine a un régime présidentiel, le président est le garant de la Constitution.

Bon comme un citron bien rond !