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A Sébastopol, la foule a déjà élu son maire dimanche par un vote à main levée : Alexei Tchaly (ou Tchalov, côté russe), un homme d’affaire du cru installé à Moscou depuis 5 ans. Des miliciens, des cosaques, des prorusses en grande régalia para-militaire assurent l’ordre dans le centre-ville, aux côtés de forces depolice complaisantes et discrètes. Ils avaient établi au moins un barrage entre le port et la capitale régionale. Sur une pancarte, on pouvait y lire ce vers, écrit à la peinture rouge : « Qui vient portant l’épée… » La suite n’est pas écrite, elle est supposé être connue de tous ici : « … périra par l’épée ».

L’un des patrons de cette guérite est Dmitry Sinitchkin, « président » en Crimée du gang de motards des Loups de la nuit, avec lequel Vladimir Poutine aime à s’afficher sur de grosses cylindrées. M. Sinichkin donnait crânement rendez-vous, vendredi, sous les fenêtres du QG de la flotte russe de la mer Noire. On avait vu peu avant un membre de son gang y entrer sans difficultés, entre trois passages de galonnés pressés et d’un beau marin fumant, à t-shirt rayé sous l’uniforme de camouflage.
M. Sinichkin est d’humeur badine :
il dit avoir vu, à l’intérieur, « de vieux amis »pour une réunion d’ordre « personnel ». Il affirme avoir fait dresser quatre autres barrages sur les routes qui mènent à la ville. Lorsqu’on lui dit qu’on est passé sans les croiser, il panique un instant et ouvre les yeux ronds du mauvais élève pris en faute.

Ce sont ces mêmes milices qui assuraient le service d’ordre devant la mairie de Sébastopol, lors d’un discours du vice-président de la chambre basse du parlement russe, Vladimir Jirinovski, invité surprise de la journée. Incendiaire populiste mais toujours aux ordres du Kremlin, il promettait à la foule des passeports russes : « Vous en voulez ? Vous en aurez ! ». Il faisait mine dedistribuer 30 000 hryvnias (2 000 euros) en liasses de billets serrés. Il promettait le gaz et l’électricité russe au prix plancher « et gratuit s’il le faut ». Ce discours tranchait avec celui, churchillien, annonçant les graves sacrifices à venir, du premier ministre ukrainien, Arsenii Iatseniouk, nommé la veille.

POROCHENKO CHASSÉ PAR UNE FOULE RAGEUSE
A Simferopol, la prise est plus lente. Le parlement régional a destitué jeudi le gouverneur lors d’une session à huis-clos. Il a annoncé un référendum pour plus d’autonomie (ou était-ce sur l’autonomie tout court ?) pour le 25 mai, date de la présidentielle. Patientera-t-on jusque là ? Les députés étaient 15 à voter selon leurs partisans rassemblés sur l’esplanade, 61 sur 65 présents selon leur bureau de presse. Ils s’étaient réunis dans un bâtiment pris au matin par un commando armé et fort silencieux. Le commando y était encore samedi matin. Des manifestants prorusses ne quittent plus l’esplanade depuis mercredi. Ils déposent quelques fleurs, rendent hommage aux forces de l’ordres tuées à Maïdan. Des cantinières sont arrivées vendredi soir.
Dans la soirée, le député Petro Porochenko, patron du groupe chocolatier Roshen et l’un des hommes clés de l’opposition arrivée au pouvoir à Kiev, s’est rendu à Simferopol. Il a été chassé des alentours de l’Assemblée par une foule rageuse.

Joint par téléphone vendredi à Simferopol, le député du Parti des Régions Boris Kolesnitchenko célèbre lui déjà « le peuple qui se soulève », et nie toute intervention russe, comme tous les miliciens croisés vendredi sur les routes de Crimée, et comme les habitants de Sébastopol interrogés autour de la mairie. Ce député, qui incarne l’aile la plus dure de la formation de l’ancien président, Viktor Ianoukovitch, dénonce les « bestiaux » qui à Kiev « ont lâché dans la rue des bandits armés ».
Pour Boris Kolesnitchenko, qui une semaine plus tôt à Kiev nous vantait les mérites d’une fédéralisation de l’Ukraine suivant le modèle des Länder allemands, il n’y a plus de place pour des négociations. « On veut une Ukraine sans fascistes et sans agents étrangers. Ca ne m’intéresse pas ce qui se passe à Kiev, qu’ils se tirent dessus. On ne dépendra plus d’eux », dit-il.
Reste à savoir qui, des Russes, de la police ou de quelques agriculteurs tient la bande de terre de cinq kilomètres de large qui rattache la péninsule au territoire ukrainien, et le pont situé au nord du village de Medvedivka : 100 mètres d’asphalte à peine.
Le président russe, Vladimir Poutine, est sorti de son silence, samedi 1er mars, pour demander à la chambre haute du parlement d’approuver « le recours à l’armée russe en Ukraine, en raison de la situation extraordinaire en Ukraine et de la menace pesant sur la vie des citoyens russes, de nos compatriotes, des forcesarmées russes déployées en Ukraine ». Le président russe souhaite l’envoi d’un nombre indéterminé de troupes « jusqu’à la normalisation de la situation politiquedans ce pays », selon le Kremlin.
Quelques heures plus tôt, la chambre basse du parlement avait demandé de« protéger par tous les moyens » la population de Crimée, en grande partie russe,« contre l’arbitraire et la violence ». Et en Crimée, le premier ministre Sergiï Axionov, non reconnu par le pouvoir à Kiev, avait déjà sollicité l’intervention russe pour « l’aider à assurer la paix et le calme ». Son porte-parole a annoncé que le référendum pour plus d’autonomie, initialement prévu le 25 mai, aurait lieu dès le 30 mars.
Depuis plusieurs jours, des hommes armés de kalachnikovs et cagoulés, en uniforme militaire russe, mais sans signe permettant de les identifier, se sont déployés dans toute la région. Samedi, le siège des gardes-côtes ukrainiens dans la ville de Sébastopol, en Crimée, était assiégé par environ 300 hommes se disant mandatés par le ministre de la défense russe, a indiqué le service des gardes-frontières ukrainiens, ajoutant que « tous les navires [étaient] en alerte ».
Sur le terrain, des miliciens, portant parfois l’uniforme russe, occupaient toujours les aéroports et les axes de communication de la région depuis vendredi. Des témoins ont signalé vendredi soir des mouvements de transports de troupes blindés non identifiés, sur la route entre Sébastopol et Simferopol, la capitale de la république autonome de Crimée, ainsi que l’atterrissage de plusieurs avions cargo dans un aéroport militaire près de Simferopol.

