
Le 14 avril, plus de 270 adolescentes nigérianes ont été enlevées par Boko Haram. L’obsession de ce groupe islamiste, particulièrement violent depuis 2009 : l’éducation, notamment celle des filles.
« J’ai enlevé vos filles, je vais les vendre sur le marché, par Allah. »
Il s’appelle Abubakar Shekau, on l’appelle aussi Darul Tawheed, ou encore Abu Muhammad Abubakar bin Muhammad… C’est le chef de Boko Haram.

Dans une vidéo effroyable diffusée lundi, il revendique, en langue haoussa, l’enlèvement, le 14 avril, de plus de 270 jeunes filles au Nigeria. Il proclame :
« Les femmes sont des esclaves. Je veux rassurer mes frères musulmans : Allah a dit que les esclaves étaient autorisés par l’islam. »
Le 14 avril, des douzaines de voitures, de camions, de bus bourrés d’hommes armés ont débarqué dans la petite ville de Chibok, puis se sont arrêtés devant le pensionnat de jeunes filles chrétiennes (aux deux tiers) et musulmanes. Celles-ci, qui dormaient, ont été réveillées et embarquées dans les véhicules. Seules 50 d’entre elles ont réussi à s’échapper, en se cachant ou en sautant des camions. Les assaillants ont ensuite mis le feu au bâtiment avant de s’enfuir. Depuis, les lycéennes sont introuvables, les autorités nigérianes ne montrant guère d’empressement. Le groupe terroriste est suspecté d’avoir enlevé huit adolescentes supplémentaires dans un petit village du nord-est du pays dans la nuit de lundi à mardi.
1. Qu’est-ce que Boko Haram ?
Le fief de Boko Haram (Wikimedia Commons/CC)
Boko Haram est un groupe djihadiste du nord du Nigeria fondé en 2002, mais on a commencé à en parler que bien plus tard, en 2009.

Il a pour projet de créer dans le nord du Nigeria, à majorité musulmane, un Etat islamique « pur », avec la charia pour seule boussole. Son modèle : les talibans afghans (qui sont pourtant sunnites, alors que les activistes de Boko Haram s’apparentent plutôt aukharidjisme).

A l’origine, il s’agit d’un groupe de jeunes islamistes radicaux de la mosquée de Ndimi de Maiduguri. Ils ont quitté cette ville jugée corrompue pour se retirer dans le village de Kanama, dans l’Etat de Yobe, près de la frontière avec le Niger. Là, ils ont commencé à bâtir une communauté islamiste « dure ».

On les appelait alors « les talibans nigérians ». Leur premier accrochage avec la police a eu lieu en décembre 2003. Il est parti d’une histoire de droits de pêche dans un étang. Les membres de la communauté ont réussi à saisir les armes des policiers et les ont gardées. L’armée a fait le siège de leur mosquée et la plupart des membres de la secte ont été tués, y compris leur gourou, Mohamed Ali.

Le mouvement, à cheval entre Nigeria, Niger et Cameroun, n’est pas hiérarchisé et Abubakar Shekau ne contrôle pas toutes ses cellules. Le groupe s’est reconstitué autour des quelques survivants, d’un autre leader,Mohamed Yusuf, et d’une nouvelle mosquée qu’ils ont créée à Maiduguri. Le groupe s’est étendu, financé par des réseaux occultes, prodiguant nourriture et abris aux gens qui n’en avaient pas. On lui attribue aussi l’assassinat d’un imam de Ndimi, Cheikh Ja’afar Mahmoud Adam. Le gouverneur de l’Etat de Borno, Ali Modu Sheriff, est soupçonné d’avoir aidé Boko Haram à décoller, en échange du soutien du mouvement populaire dans la jeunesse.
Mohamed Yusuf, aux mains de la police, juste avant sa mort.
Des affrontements sanglants ont eu lieu en 2009 entre Boko Haram et la police. On a compté plus de 1 000 morts. Le 30 juillet, le leader de Boko Haram, Mohamed Yusuf, a été capturé par les forces nigérianes et tué par balle alors qu’il se trouvait entre deux voitures de police. Au cours de cette répression du mouvement, la police a retrouvé plus de 200 femmes et enfants enfermés dans des bâtiments à Maiduguri. Beaucoup venaient de l’Etat de Bauchi.
Le nombre d’attentats n’a cessé depuis de grimper.
Les terroristes de Boko Haram s’en prenaient au départ essentiellement aux policiers, aux bâtiments publics et aux écoles. Puis ils ont commencé à viser les chrétiens.
Ils leur arrivent de prendre des otages également. Le Français Francis Collomp a été détenu pendant plusieurs mois par une faction de Boko Haram, Ansaru, avant de s’évader en novembre 2013. Le père Georges Vandenbeusch a également été elevé en novembre 2013 par Boko Haram, et a été libéré en décembre.

Bilan de quatre ans de cette rebellion : 4 000 morts, 500 000 personnes déplacées, plusieurs centaines d’écoles fermées et l’économie (très pauvre) du Nord-Est dévasté.
2. Pourquoi Boko Haram s’en prend-il aux écoles ?
L’éducation, et notamment l’éducation des filles, est une obsession
chez ce groupe terroriste.
BOKO HARAM , ÉTYMOLOGIE
Haram, c’est le contraire de Halal : le mot porte l’idée d’interdit, donc. Boko désigne les écoles à l’occidentale. Certains affirment que le mot vient de « book » mais le linguiste Paul Newman n’y croit pas. Boko viendrait d’un mot en haossa signifiant « fraude » ou « supercherie ». Ce qui est certain, c’est que quand le gouvernement colonial britannique ouvrit des écoles laïques au début du XXème siècle, le terme boko fut employé pour les désigner.

Boko Haram signifie d’ailleurs, en langue haoussa, « l’éducation occidentale est un péché » Ces terroristes savent que l’éducation des filles est l’arme la plus efficace contre l’extrémisme religieux qu’ils revendiquent. Bien plus que tous les commandos du monde. En mars 2012, une douzaine d’écoles publiques à Maiduguri ont été brûlées : pas moins de 10 000 élèves se sont retrouvés sans éducation. Au cours de l’annéé 2013, 50 écoles ont été détruites. Des centaines d’élèves ont été tués. Dans la région où se trouve le pensionnat qui a été attaqué le 14 avril, toutes les écoles avaient fermé leurs portes en mars 2014, de crainte d’une attaque. Mais cette école-là, réservée aux très bonnes élèves, a rouvert ses portes pour faire passer aux jeunes filles les examens finaux. Boko Haram affirme qu’il veut vendre ces jeunes filles, âgées de 15 à 18 ans, probablement à des militants, peut-être aussi à des hommes au Tchad et au Cameroun. Les enchères, dit la rumeur locale, commenceraient à 12 dollars.
3. Qui est Abubakar Shekau, le leader ?
Abubakar Shekau ou Darul Tawheed était le bras droit de Mohamed Yusuf, tué en 2009. Personne ne sait exactement où il est né ni quel âge il a. Cela participe de sa légende, qui le décrit par ailleurs comme un homme ayant unemémoire eidétique.

Les autorités pensaient l’avoir tué en 2009, mais il a refait surface, dans une vidéo, en juillet 2010. Il y expliquait qu’il avait survécu à ses blessures. Dans ses vidéos, où Allah tient une bonne place, il affirme être en possession de tanks et autres véhicules de combat. Il n’a été inscrit qu’en juin 2012 sur la liste des terroristes du département d’Etat américain, qui a mis à prix sa tête à 7 millions de dollars, ce qui en fait l’islamiste d’Afrique le plus recherché. Il considère que l’éducation à l’occidentale est un « complot contre l’islam » et appelle ses militants à tuer les professeurs et les élèves qui y participent.
Des Nigerians manifestent à Lagos, au Nigeria, le 5 mai 2014 (Sunday Alamba/AP/SIPA)4
4. Y a-t-il un lien entre Boko Haram et Al Qaeda ?
Au départ, ce sont deux mouvements très différents. Selon un télégramme diplomatique révélé par WikiLeaks, l’ambassadeur américain à Abuja ne les considérait pas comme une menace internationale en 2004, et indiquait que Boko Haram n’avait probablement pas de connexions avec d’autres groupes djihadistes.
Boko Haram ne s’en prenait d’ailleurs que très rarement aux intérêts de pays occidentaux ou à la communauté internationale, avec certes une exception, un attentat qui a visé en 2011 un bâtiment de l’ONU, à Abuja, capitale du Nigeria.
Mais leurs méthodes (attentats-suicide, voitures piégées…) se rapprochent de celles d’Al Qaeda et depuis 2011, les experts de la région soupçonnent des liens entre Boko Haram et Aqmi (Al Qaeda au Maghreb islamique), notamment pour leur entrainement.
En octobre 2011, après l’explosion des bureaux des Nations unies à Abuja, le général américain Carter Ham, responsable de la zone Afrique, déclarait à Al Arabyia :
« Al-Shebbab [groupe somalien, ndlr], Aqmi et Boko Haram nous préoccupent chacun individuellement, mais ce qui nous préoccupe vraiment est qu’ils ont au moins un objectif déclaré pour ces organisations de lier et de synchroniser ses efforts. »
En novembre 2011, le vice-ministre algérien des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel, a affirmé avoir la preuve que Boko Haram coordonnait ses actions avec Aqmi.
5. Que peut faire la communauté internationale ?
Le président nigerian Goodluck Jonathan et son gouvernement ne semblent pas pressés de retrouver les jeunes filles. Les leaders des manifestations demandant aux autorités d’agir ont même été arrêtés. Il est scandaleux que cette affaire mobilise si peu. Pour devenir professeures, médecins ou avocates, ces jeunes filles ont pris le risque de se faire tuer, elles et leurs familles méritent toute notre admiration.
Selon la BBC, le gouvernement a accepté mardi soir l’aide des Etats-Unis pour retrouver les filles. Les Etats-Unis pourraient mettre leurs satellites de surveillance et leurs autres systèmes au service des recherches pour les retrouver. Il serait possible aussi de perturber les échanges financiers de Boko Haram, qui semblent importants.
L’opinion peut peser. Il existe des pétitions pour faire pression sur les gouvernements occidentaux.
Vous pouvez signer par exemple celles qui ont été mises sur le site Change.org :
On se mobilise aussi sur les réseaux sociaux. Sur Twitter, sous les hashtags#bringbackourgirls ou #bringbackourdaughters, de très nombreuses personnes publient des messages et des photos de soutien.
Une école se mobilise pour les lycéennes de Kitob (Via Twitter)
« L’éducation occidentale est un péché »
Selon certaines rumeurs, des adolescentes auraient pu être transférées au Tchad et au Cameroun voisins, où elles auraient été vendues pour 12 dollars chacune.
Boko Haram, dont le nom signifie « l’éducation occidentale est un péché » en langue haoussa, revendique la création d’un Etat islamique dans le nord du Nigeria.
Le groupe extrémiste a déjà fait plusieurs milliers de morts depuis le début de son insurrection en 2009, au cours d’attaques visant des écoles, des églises, des mosquées et des symboles de l’Etat et des forces de l’ordre. Mais cet enlèvement de masse, visant particulièrement des filles, n’a pas de précédent. Il constitue l’attaque la plus choquante depuis l’existence de ce mouvement qui a déjà fait 1.500 morts depuis le début de l’année.
regarder cette video………………...Boko Haram
The leader of Nigerian Islamist extremist group Boko Haram has said that more than 270 schoolgirls snatched from their dormitories were « slaves » whom he planned to sell in the market.
« I abducted your girls, » a man claiming to be Abubakar Shekau, the group’s leader, said in a video seen by the Guardian. « I will sell them in the market, by Allah. I will sell them off and marry them off. There is a market for selling humans.
« Women are slaves. I want to reassure my Muslim brothers that Allah says slaves are permitted in Islam, » he added, in an apparent reference to an ancient tradition of enslaving women captured during jihad, or holy war.
Speaking in northern Nigeria‘s Hausa language during a rambling hour-long speech, he threatened further attacks on schools and warned the international community not to get involved in Nigeria. Shekau has previously called western education « a plot against Islam » and urged his fighters to kill students and teachers.
« I will marry off a woman at the age of 12. I will marry off a girl at the age of nine, » he said at another point in the video.
The chilling message came as police questioned ‘Gbenga Sesan – the activist behind the popular Twitter campaign #BringBackOurGirls – and two women who helped organise protests calling for the government to do more to rescue the girls.
Protesters call for the release of the missing schoolgirls at the state government house, in Lagos, Nigeria.
Saratu Angus Ndirpaya and Naomi Mutah Nyadar were detained after attending a meeting with the president’s wife, Patience, who, in a bizarre twist, suggested the mass abductions had never happened and were instead a conspiracy to derail her husband’s presidential campaign for elections next year. At least 300 teenage girls were snatched in a dawn raid in Chibok, in Boko Haram’s north-eastern heartland of Borno state, on 15 April. President Goodluck Jonathan did not publicly comment on the abductions for two weeks and the government’s clumsy handling of the case has triggered protests across almost every major city. Jonathan pledged on Sunday evening that the government would return the girls to their families. « This is a trying time for this country. It is painful, » he said. Diplomats say the government is in talks with the UK and the US for assistance in bolstering the country’s security.
Mallam Mpur, whose two nieces are among the missing, said parents were reeling from reports the girls had been sold as « brides » to the extremists. He could not yet face telling the parents and relatives who gathered at his home for daily updates and support about the latest threats, he added. « In a few hours it will be exactly three weeks since our girls were taken away – we are counting every hour, » he said.
« All I can say is, as parents we are desperate and begging. If the Nigerian government cannot help us, there is no shame in appealing to other African countries or the international community for help. »
Some parents say their attempts to pass on information to the authorities have been fruitless. Farmer Dauda said his daughter called him from a forest training camp for militants last week. « One of the Boko Haram people came on the phone and told us not to worry; that our daughter is in safe hands, » he told the Guardian. « The man told us, we have warned you not to send your children to school and this is the consequence. Then he told us that if we are patient and follow their orders, we will see our daughter again. But the government are not interested in hearing when we try to speak to them. »
About 50 girls escaped in the confusion, some by jumping off trucks and fleeing for miles on foot through the dense Sambisa forest. Two girls have since died from snakebites, according to intermediaries in contact with the militants.
A demonstrator in London protests against the failure of the Nigerian government, to rescue the schoolgirls abducted by Boka Haram extremists. Photograph: Ruth Whitworth/Demotix/Corbis
Another Chibok elder, whose house was burned down during the five-hour raid by Boko Haram, said life was continuing in a state of terror. « Any little noise we hear at night, we all run out into the bush fearing for our lives, » said the villager, adding that some households had resorted to organising their own night watch rotas.
The Christian Association of Nigeria published a list on Sunday of 180 Christian girls – about two-thirds of the total 276 – among the missing.
« Daughters of Zion taken captive, to be treated as slaves and sold into marriage to unclean people, » the list was subtitled.
Its release has been widely criticised by Nigerians in a sign of how anger at the abductions has bridged the sectarian tensions that sometimes flare up between an evenly divided Muslim and Christian population.
In a televised broadcast on Sunday, the first lady, who holds no official office, was seen alternately weeping and berating community members during a meeting to discuss the kidnappings. She warned against further protest marches: « You are playing games. Don’t use schoolchildren and women for demonstration again. Keep it to Borno, let it end there, » the official News Agency of Nigeria reported.
An official from the school who was at the meeting said: « She told us we were not patriotic; that we were members of Boko Haram ourselves and we wanted to disgrace the country. »
The president’s approval ratings have taken a battering as security has deteriorated in the runup to elections next year. In a weekly media chat late on Sunday, Jonathan denied that security had worsened, despite two bomb blasts on the outskirts of Abuja, the capital, which left 105 dead last month. « I believe we are succeeding » he said.
The government has launched a massive security operation in the capital this week as it prepares to host the World Economic Forum, at which dignitaries and heads of state will discuss Africa‘s positive growth story.
The glitz of the meeting will elude most ordinary Nigerians. Sitting forlornly on a plastic chair outside an Abuja police station, one woman who had travelled from Chibok to protest said: « We don’t know why the government is treating us like we are less than animals. It is just really painful. »



