Le Reggae Sun Ska, petit festival né au cœur des vignes du Médoc, a traversé sa crise de croissance, assume et revendique. « Le plus grand festival de reggae de France », comme le proclament les pubs radio, s’installe à nouveau sur les bords de l’estuaire, dans l’environnement surréaliste du site de Trompeloup, à Pauillac, entre hauts fournaux en ruine et couchers de soleil sur les cargos rouillés.

Cette année, le festival tente de mieux contrôler ses flux : les abords du festival, les parkings et le gigantesque village de tentes seront réservés aux quelque 85 000 festivaliers attendus, si l’on se base sur les chiffres de l’an dernier ; le peuple anarchique du camping et les divisions techno motorisées sont invitées à migrer plus loin. Vendredi, deux ministres jamaïquains, chargés l’un de l’économie et l’autre du tourisme, viendront évaluer les retombées hexagonales de ce qui reste l’un des produits d’exportation les plus importants de l’île.

L’affiche de ces trois jours reste pléthorique et, dixit Fred Lachaize, son directeur, « sur notre ligne éternelle : un mix du meilleur des scènes internationales, nationales et locales et des différentes tendances du reggae actuel ». Tout particulièrement international cette année. Il n’y a qu’au Sun Ska, cette année, que l’on entendra le dancehall à la japonaise de Mighty Crown, celui, venu d’Argentine et produit par Mad Professor, d’Alika, ou Seed, qui toaste en allemand depuis les bords de la Spree… Les Écossais du Mungo Hi Fi Full System viennent avec leur énorme son se mesurer aux Dub Invaders lyonnais de Hightone ; le FC Apatride UTD se revendique marxiste, musulman et serbe, et les deux frères germano-coréens Symbiz Sound représenteraient « le dancehall du futur » avec un dubstep versatile. Il y aura même les Espagnols alterno de Ska P, ce qui ne nous rajeunit pas, par contre. Il semblerait qu’en Jamaïque commenceraient à se faire sentir les limites du pittoresque « bad boy » dans le paysage musical, des « gun lyrics » et du dancehall de fesses ; nombreux sont les artistes à évoluer dans le sens d’un retour au « new roots », néoclassicisme musical et conscience évoluée : très attendu, le Jamaïquain Protoje en est le meilleur exemple ; quant à Busy Signal, qui s’est l’an dernier fait rattraper par son passé et la justice américaine pour des faits liés aux gangs de la drogue de son quartier de Tivoli Garden, à Kingston, il a également proclamé, en titre de son dernier album, qu’il était temps pour lui de revenir à la « reggae music again ». Skarra Mucci, lui, s’est fait une spécialité du raggamuffin à l’ancienne.

Tandis que la délégation française fourmille de découvertes (Vanupié, qui s’était l’an dernier invité tout seul sur le off avec sa voix au papier de verre et sa guitare usée ; Jr Yellam ; Ilements, Volodia, Tiwony, Djanta, Tryo… non, pas Tryo), il y a toujours de la place pour les lions éternels : Ranking Joe, Don Carlos, Little Roy ; U-Roy et son disciple U-Brown, IJahman Levi… Et puis les meilleurs sounds, reggae, ragga, dancehall, dub, ska : le Mungo mais aussi Irie Ites, Trojan Sound et le RSS Sound maison qui recevra notamment les deejays Tomawok et Ghostrider.

Ah, et il y aura aussi Ky-Mani Marley. Du reggae sans un Marley, c’est moins bien, forcément.








