14 février 1929,
7 hommes sont abattus dans un garage à Chicago. Toutes les victimes appartiennent au même clan. Les tueurs sont embarqués par la police. C’est du moins ce que voient les témoins. Et l’affaire aurait pu s’arrêter là ! Chicago est le théâtre d’une guerre des clans sans merci et ce genre de scène est fréquente. Mais la presse s’empare du drame, le choix de la date fait scandale, c’est la Saint Valentin, le gouvernement est accusé de démission, le nom d‘Al Capone est sur toutes les bouches, bref l’affaire explose.

L’affaire du massacre de la Saint Valentin est à replacer dans son contexte. Nous sommes en 1929, en pleine guerre des clans. Chicago est régulièrement secouée par des scènes de crime plus violentes les unes que les autres, mais les autorités ne bougent pas et la population commence à gronder de colère. La ville est sous la coupe d’Al Capone, mais il est en vacances prolongées en Floride au moment des faits. Le chef de la mafia de Chicago veut une main mise absolue sur toute la ville mais le nord lui résiste puisqu’il est aux mains du North Side Gang, les irlandais de George Bugs Moran. Plus tôt dans l’année, Al Capone a échappé à 2 tentatives d’assassinat commanditées par Moran tandis que Jack McGurn, un des associés de Capone a lui aussi été attaqué par Frank et Peter Gusenberg, des membres du North Side.

Jack McGurn
Capone avait mis au point l’assassinat de Dean O’Banion 5 ans plus tôt, c’était le parrain du clan ennemi. Craignant pour sa vie et gourmand en affaire, Capone décide en novembre 1928 d’éliminer toutes les têtes pensantes du clan. D’après les confessions de Byron Bolton, un ancien mitrailleur de l’US Navy mêlé au massacre, l’affaire se monte dans le Wisconsin en novembre 1928.
Capone convoque une équipe d’hommes de main spécialement entraînés à ce genre de mission. Outre le chef, les truands présents sont Goetz, Frank Nitti, Fred Burke, Gus Winkeler, Louis Campagna, Daniel Serritella, William Pacelli, et Bolton lui-même. Le plan funeste émerge des discussions, chacun se voit attribué un rôle précis et le scénario final paraît sans faille.

Les tueurs doivent attendre au Circus café tandis qu’une équipe attend les membres du North Side dans un garage sous prétexte d’une livraison d’alcool de contrebande. Une fois tout le monde à l’intérieur, les 2 vigies téléphonent aux tueurs pour confirmer la présence des futures victimes et donner le feu vert. Les tueurs se rendent ensuite sur place, 4 hommes descendent, le chauffeur part avec la voiture,. Une fois leur travail terminé, les hommes remontent, 2 d’entre eux déguisés en policiers, 2 autres jouent les malfrats. Ils disparaissent à bord d’un faux véhicule de police. La réalité n’est pas loin du plan initial.
Lorsque la vraie police débarque sur les lieux du drame, c’est un bain de sang qu’elle découvre. Il y a 6 victimes identifiées comme Peter Gusenberg, Albert Kachellek, alias « James Clark », Adam Heyer, Reinhart Schwimmer, Albert Weinshank et John May. Seul Frank Gusenberg est encore vivant malgré les 14 balles qu’il a dans le corps. Il affirme tout de même à la police que personne ne lui a tiré dessus. Il décède 3 heures plus tard.

Franck Gusenberg
L’ampleur du massacre agite l’opinion publique. La police se doit de faire un travail d’enquête exemplaire. La voiture, une Cadillac 1927 Sedan, est retrouvée près du Circus café une semaine après les faits, partiellement brûlée. La preuve est faite que c’est celle du massacre. La police remonte alors jusqu’au patron du Circus, Claude Maddox, un ancien truand de Saint Louis, Missouri. Un enquête parallèle sur place, fait émerger des noms en lien avec l’affaire, Fred Burke et James Ray entre autres. Puis ce sont les proches de Capone qui sont mis en cause directement, John Scalise et Jack McGurn. Le 1er est assassiné avant son procès et l’autre s’en sort par un vice de procédure.

Il faut attendre décembre 1929 pour voir l’enquête progresser significativement. La perquisition du bungalow de Fred Burke permet à la police de retrouver les armes du crime, confirmant le lien entre Burke et le massacre, sans pour autant prouver quoi que ce soit.
L’affaire rebondit au début dans les années 30, lorsque le gouvernement se lance réellement dans une lutte contre la mafia et s’attaque directement à Al Capone. Bugs Moran assassine Jack McGurn en 1936.
Les révélations de Byron Bolton en 1935, remettent en cause la plupart des conclusions apportées à l’affaire mais ne suffisent pas à la faire rouvrir. Finalement, personne ne sait avec certitude quels sont les criminels qui ont participé au massacre, soit une bande de truands éclectique rassemblée par Capone hors de son propre clan, soit une «section spéciale» de son gang, ultra secrète et spécialement entraînée.

Jack McGurn et sa maîtresse
Le massacre de la Saint Valentin est l’événement qui sonne la fin de l’âge d’or du règne de la mafia sur Chicago. L’affaire a un tel retentissement qu’elle devient une forme de légende même au sein des clans mafieux. Beaucoup de truands affirment a posteriori y avoir participé, ce qui ne saurait être vrai.
Aujourd’hui encore, ce massacre est un épisode culte de l’univers mafia, repris et décliné dans de nombreux médias.
