ImageTCHONGAR — Des hommes armés brandissant des drapeaux russes ont interdit vendredi l’accès à la Crimée à des observateurs de l’OSCE au moment où Moscou tend les bras à cette région d’Ukraine qui a annoncé un référendum pour son rattachement à la Russie provoquant la colère des Occidentaux. Cependant, Moscou, soumis à des sanctions économiques et diplomatiques des Etats-Unis et de l’Union européenne, a menacé d’avoir recours à l’arme énergétique. Le géant public russe Gazprom a mis en garde Kiev contre une interruption de ses exportations de gaz si le nouveau pouvoir ne s’acquittait pas de ses quelque deux milliards de dollars de dette au plus vite.
En 2009, dans une situation similaire, Moscou avait fermé le robinet du gaz, perturbant l’approvisionnement de plusieurs pays européens.
Pour la deuxième journée consécutive, les observateurs militaires de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), dépêchés en Ukraine à la demande du pouvoir ukrainien, ont été empêchés de pénétrer en Crimée par des hommes en armes, portant des treillis dépareillés, des cagoules et des fusils d’assaut et arborant des drapeaux russes.
RTR3G5MGLes 47 militaires non armés de 25 des 57 pays membres de l’OSCE sont arrivés à bord de deux cars près du village de Tchongar, l’un des deux points d’accès par la route à la péninsule. Ils étaient suivis par une cinquantaine de voitures remplies de partisans des autorités de Kiev portant des drapeaux bleus et jaunes ukrainiens qui ont formé une petite manifestation devant le barrage de contrôle. L’un des observateurs, qui a demandé à rester anonyme, a confié à l’AFP qu’ils allaient « tenter de négocier avec ces gens ». « Nous tentons simplement d’entrer en Crimée, en tant qu’invités du gouvernement ukrainien et sous mandat de l’OSCE », a-t-il ajouté.
Peu après, les observateurs de l’OSCE ont dû faire demi-tour, la tentative de négociation n’ayant rien donné.
Jeudi, c’est sur l’autre accès à la Crimée que les observateurs avaient été contraints de rebrousser chemin par des hommes armés. Le président Barack Obama avait demandé à Moscou de faciliter l’entrée de ces observateurs.
BiIQ4jQIAAIGB-vCes observateurs ont pour mission de tenter de faire retomber la tension en Crimée, où les forces russes encerclent des bases militaires ukrainiennes et où le Parlement local, pro-Moscou, a décidé de se séparer de Kiev et d’organiser le 16 mars un référendum de rattachement à la Russie.

– Manifestation à Moscou en soutien à la Crimée –
L’initiative du Parlement de Crimée a été saluée à Moscou par les députés russes, leur président Sergueï Narychkine assurant qu’ils respecteraient le « choix historique » de la Crimée. Les députés russes laissent ainsi entendre qu’ils voteront, sans surprise, en faveur de l’intégration de cette région, où vivent deux millions d’habitants, à l’immense Fédération de Russie.
Jeudi, le président ukrainien par intérim Olexandre Tourtchinov avait dénoncé le référendum, fustigeant « un crime contre l’Ukraine commis par les militaires russes ».
A Moscou, une manifestation de soutien aux habitants de Crimée a réuni plus de 65.000 personnes, selon la police moscovite.
IDE_Russie_UkraineBrandissant des drapeaux russes ou munis de pancartes clamant « la Crimée est une terre russe » ou « Crimée, nous sommes avec toi », elles assistaient, à deux pas du Kremlin, à un concert qui a débuté par une chanson patriotique intitulée « Officiers ».

Une délégation du Parlement de Crimée, qui a rencontré des parlementaires russes dans la matinée, est ensuite apparue sur la scène.

« La Russie ne nous laissera pas tomber », a lancé le président du Parlement de Crimée, Vladimir Konstantinov.

– Echec des négociations –

Sur la scène diplomatique, malgré d’intenses consultations depuis une semaine, Occidentaux et Russes n’ont pas réussi à trouver de porte de sortie pour la crise qui a éclaté fin février avec la prise de contrôle par des forces russes de la Crimée.
RTR3G3ZXAprès des tergiversations, Bruxelles et Washington ont finalement dégainé l’arme des sanctions diplomatiques et économiques.

Pendant son second très long entretien téléphonique avec Vladimir Poutine en moins d’une semaine, Barack Obama a insisté sur le fait que la Russie agissait en violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, ce qui conduisait les Etats-Unis « à prendre des mesures de représailles, en coordination avec ses partenaires européens ».
mmPour sa part, Vladimir Poutine a mis en garde son homologue américain contre le risque de « sacrifier » les relations américano-russes pour des « problèmes internationaux isolés, bien qu’extrêmement importants », selon le Kremlin.

Engagé dans la plus grave épreuve de force avec Moscou depuis la chute de l’URSS, le président américain a ordonné des restrictions de visas et autorisé des gels d’avoirs, visant potentiellement des responsables russes et ukrainiens.
téléchargementLes dirigeants européens ont pour leur part suspendu les négociations sur les visas avec la Russie et menacé de prendre davantage de sanctions, notamment économiques, si la situation continuait à se détériorer.

– Accord d’association avec l’UE –

A l’issue d’un sommet extraordinaire à Bruxelles, le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, a annoncé jeudi que l’UE allait signer l’accord d’association avec Kiev avant l’élection présidentielle du 25 mai en Ukraine.
Vendredi tout est permis

« Nous signerons les volets politiques de l’accord très bientôt, avant les élections », a-t-il dit.

Le refus du régime du président Viktor Ianoukovitch, désormais déchu, de signer l’accord avec l’UE avait déclenché en novembre un mouvement de contestation, suivi d’une répression violente avec un bilan d’au moins 100 morts, une violence inédite dans l’histoire de la jeune Ukraine indépendante.
PHO6824060a-91ba-11e3-8f3e-21a23804fa59-805x453Kiev a demandé à Interpol de délivrer une « notice rouge », soit une demande d’arrestation à des fins d’extradition, à l’encontre de Viktor Ianoukovitch pour « abus de pouvoir et meurtre », a annoncé vendredi l’agence internationale. M. Ianoukovitch est apparu pour la dernière fois en public lors d’une conférence de presse en Russie le 27 février.
Emouvant de voir cette dame pleurer pour que la Crimée reste ukrainienne. Petite manif pour la paix à Simféropol
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Le Parlement de Crimée a demandé à l’unanimité son rattachement à la Russie et les habitants de la péninsule vont être consultés par referendum le 16 mars prochain. Ils pourront se prononcer entre un retour dans le giron russe et une autonomie renforcée au sein de l’Ukraine. Le scrutin demeure incertain, même si la majorité de la population est russophone. Sa transparence pose également question, alors que des observateurs internationaux ont à nouveau été empêchés d’entrer dans le pays par des hommes armée.

C’est l’un de ces moments de l’Histoire que l’on imaginerait peint en grand format par David. D’une seule voix vibrante, le Parlement de Crimée a demandé à l’unanimité à Vladimir Poutine son rattachement à la Russie. Mais dans les rues de Simféropol, ce moment d’exaltation politique façon « Serment du jeu paume » laisse certains habitants froids, comme Anna : « je ne suis pas surprise par ce vote. Le Parlement de Crimée est pro-russe. Ses décisions sont influencées par Moscou », sourit cette jeune femme blonde, qui revient de l’école où elle a été chercher son fils.

Tatares anti-russes

La population de Crimée a beau être en majorité russophone, elle n’est pas pour autant aussi enthousiaste que son parlement à la perspective d’un retour dans le giron russe. La minorité tatare – qui représenterait environ 12% de la population – ne le cache pas.Ces turcophones musulmans ont été déportés par Staline après la Seconde guerre mondiale, officiellement pour cause de collaboration avec les nazis. Leur retour progressif dans les années 80 a été complexe et ils sont toujours en butte à des discriminations. Mais ils ont toujours soutenu Kiev et se sont constamment opposés aux tentations séparatistes d’une partie de la population.

41% pour le rattachement

Au sein de la majorité russophone, les liens culturels avec la Russie sont certes très forts. Mais ils ne se traduisent pas forcément par une aspiration à redevenir russes, comme l’ont montré des enquêtes d’opinion régulièrement menées. Deux chercheurs américains, Grigore Pope-Eleches et Graeme Robertson ont ainsi montré qu’en Crimée, la plupart des personnes interrogées considèrent que leur patrie n’est ni l’Ukraine, ni la Russie… mais la Crimée. Une autre étude, menée par lafondation Illo Kucheriv et l’Institut international de sociologie de Kiev révèle que début février, seuls 41% des habitants de Crimée considère que la Russie et leur péninsule doivent former un seul Etat.

L’Ukraine est ma patrie

Une diversité d’opinion qui s’entend dans les rues de Simféropol : « On ne change pas de nationalité en un claquement de doigts », s’insurge Irfan, un ingénieur. « Ce n’est pas parce que nous parlons russe que nous sommes proches des Russes que nous sommes russes. L’Ukraine est ma patrie« , tranche-t-il. Alec, lui, est étudiant et pas spécialement intéressé par la politique : « J’ai envie de finir mes études en paix. De toutes façons je me sens ni russe, ni ukrainien, mais criméen« , confie ce jeune homme qui, le 16 mars, lors du referendum, prochain, votera pour l’autonomie et non pour le rattachement à la Russie.
Car ce que veulent de nombreux habitants de Crimée, c’est d’abord le retour, le plus vite possible, à la situation la plus normale possible.

Bon comme un citron bien rond !