La série d’attaques lancées mercredi depuis le Liban et revendiquées par la milice chiite a aussi tué un casque bleu espagnol et blessé sept soldats israéliens près de la frontière. Tsahal a répliqué par plusieurs frappes aériennes et se tient prête à réagir «avec force», menace Benyamin Nétanyahou.
Deux soldats israéliens et un casque bleu espagnol ont été tués mercredi matin à la frontière nord de l’Etat hébreu, lors d’une série d’attaques lancées depuis le Liban et revendiquées par le Hezbollah. Sept soldats israéliens ont également été blessés. Tsahal a immédiatement répliqué par «une combinaison de frappes aériennes et terrestres contre des positions de la milice chiite», selon le porte-parole de l’armée. «Il s’agit assurément de l’incident le plus grave depuis la fin de la seconde guerre du Liban en 2006, observe Benedetta Berti, chercheuse à l’Institut israélien d’études sur la sécurité nationale. Les prochaines heures seront cruciales si l’on veut éviter que ces événements n’entraînent une escalade militaire.»
Plusieurs opérations ont été lancées en fin de matinée dans la zone disputée des fermes de Chebaa, aux confins d’Israël et du Liban. Peu avant 11h30, un convoi de Tsahal patrouillant le long de la frontière a tout d’abord été visé par un missile antichar, accompagné de tirs à courte portée. L’armée israélienne affirme qu’un véhicule a été touché et que quatre soldats au moins ont été blessés. Le Hezbollah, qui a aussitôt publié un communiqué revendiquant l’opération, affirme pour sa part que «plusieurs véhicules ont été détruits et qu’il y a des victimes dans les rangs de l’ennemi».
Lors d’un incident distinct, une position militaire israélienne a été attaquée non loin par des obus de mortier. Les complexes touristiques situés sur les flancs du mont Hermon ont été évacués par précaution. Des civils auraient en outre été blessés par des obus tombés dans le village de Ghajar. Les habitants de la ville voisine de Metula ont été invités à rester chez eux.
L’érosion du cessez-le-feu de plus en plus flagrante
Benyamin Nétanyahou, qui devait rejoindre sans attendre le ministère de la Défense, a prévenu que l’armée israélienne est prête à réagir «avec force» avant d’inviter le Hezbollah a méditer le sort réservé l’été dernier à la bande de Gaza. Le porte-parole de l’armée israélienne complète: «Nous tenons le Hezbollah et les autorités libanaises pour responsables de ces événements très graves».
Ces attaques interviennent dix jours après qu’une frappe aérienne attribuée à Israël a tué six miliciens du Hezbollah ainsi que six militaires iraniens, dont un général des Gardiens de la révolution, sur la portion du plateau du Golan que contrôle la Syrie. La milice libanaise, de même que Téhéran, ont promis de riposter durement à cette opération. Deux roquettes ont d’ailleurs été tirées mardi vers Israël, donnant lieu à plusieurs tirs d’artillerie en retour.
Ces tensions illustrent l’érosion de plus en plus flagrante du cessez-le-feu mis en place à la fin de la guerre de 2006 au Liban. Officiellement, ni l’Etat hébreu ni le Hezbollah ne souhaitent renouer les hostilités mais divers incidents ont échauffé les esprits au cours des derniers mois. L’aviation israélienne a détruit plusieurs convois d’armes destinés au Parti de Dieu sur le territoire syrien ainsi que sur le sol libanais. Des attaques auxquelles la milice chiite a répliqué en renforçant sa présence sur le plateau du Golan ainsi qu’en attaquant, à plusieurs reprises, des patrouilles de l’armée israélienne au moyen d’engins explosifs.
Six membres du Hezbollah tués par un raid israélien
Le fils de l’ancien chef des opérations militaires du Hezbollah libanais, Imad Moughniyeh, est au nombre des victimes.
Six membres du Hezbollah libanais, dont deux commandants militaires, ont été tués dimanche à midi par une frappe israélienne, près de la ville frontière de Quneitra, sur la portion syrienne du plateau du Golan. Cette attaque, ébruitée par des médias proches du «Parti de Dieu», a été confirmée en début de soirée par une source sécuritaire en Israël.
Deux missiles tirés depuis un hélicoptère ont détruit le véhicule à bord duquel circulait le petit groupe qui, selon le Hezbollah, procédait à «une visite d’inspection sur le terrain». Le quotidien libanais Daily Star affirme qu’un commandant iranien a également trouvé la mort lors de ce raid.
Parmi les victimes figure le fils d’Imad Moughniyeh, ex-chef de la branche militaire du Hezbollah qui fut tué le 12 février 2008, à Damas, dans l’explosion de sa voiture. L’attentat, jamais revendiqué, avait à l’époque été attribué par la milice chiite aux services israéliens.
Selon des responsables de l’opposition syrienne, le jeune Djihad Moughniyeh avait été récemment chargé de diriger les actions du Hezbollah sur le plateau du Golan. Le parti chiite, bien qu’accaparé depuis bientôt deux ans par son engagement au côté du régime de Bachar el-Assad en Syrie, aurait en effet décidé d’intensifier ses actions contre l’Etat hébreu. Il entendrait ainsi répondre à la destruction par des frappes israéliennes, sur le sol syrien mais aussi au Liban, de plusieurs convois d’armes sophistiquées.
Le gouvernement de Benyanmin Nétanyahou, s’il n’a jamais confirmé son implication, a régulièrement laissé entendre qu’il ne laisserait pas le Hezbollah profiter du chaos syrien pour mettre la main sur des missiles susceptible de remettre en cause sa suprématie militaire.
Dans ce contexte, le plateau du Golan a depuis plusieurs mois cessé d’être la plus paisible des frontières israéliennes. Des soldats de Tsahal y ont à plusieurs reprises été touchés par l’explosion d’engins placés le long de la clôture de séparation avec la Syrie.
Jeudi dernier, dans un entretien à la chaîne panarabe al-Mayadeen, le chef du Hezbollah a menacé: «Toute frappe contre des positions en Syrie vise l’axe de la Résistance dans son ensemble [Damas, Téhéran et le Hezbollah, NDLR] et celui-ci pourrait décider de riposter. C’est son droit, cela peut arriver à tout moment.» Selon Yossi Melman, spécialiste des questions de défense et de renseignement pour le journal israélien Maariv, la réaction de la milice chiite au raid qui a coûté la vie à Djihad Moughniyeh dépendra sans doute des circonstances dans lesquelles il s’est déroulé.
«S’il a été tué alors qu’il se trouvait sur un site de lancement de roquettes en passe d’être utilisé pour frapper Israël, il est possible que le Hezbollah s’en tienne à une riposte modérée», explique-t-il. «Mais s’il apparaît que Tsahal a délibérément visé Moughniyeh pour se débarrasser de lui, alors il y a tout lieu de craindre une escalade très sérieuse à notre frontière nord.»
Une taupe du Mossad infiltrée au cœur du Hezbollah.
Le numéro deux du mouvement chiite libanais a reconnu la présence d’espions au sein de l’organisation.
Le Hezbollah libanais a admis à demi-mot avoir été infiltré à très haut niveau par les services secrets israéliens. S’exprimant le week-end dernier sur la radio libanaise Nour, le numéro deux de la puissante organisation chiite, Cheikh Naïm Qassem, a expliqué que le «Hezbollah a déployé beaucoup d’efforts pour lutter contre l’espionnage en son sein. Des cas ont été découverts, mais ce ne sont que des cas limités», a précisé le cheikh. Malgré ces précautions oratoires, cet aveu émanant de l’un des fondateurs historiques du Hezbollah a été pris par les spécialistes comme une confirmation d’une rumeur qui courait depuis l’arrestation, fin décembre, d’un cadre haut placé du mouvement: une taupe du Mossad aurait opéré depuis des années dans les cercles dirigeants du Hezbollah, l’une des organisations les plus secrètes, les plus cloisonnées et les plus impénétrables du Moyen-Orient.
Il est difficile de démêler le vrai du faux dans ces affaires d’espionnage. Aucune des parties, Israéliens ou chiites libanais, n’a intérêt à révéler la vérité à son adversaire. Selon des médias libanais et koweïtiens, qui citent des sources non identifiées, le Hezbollah aurait arrêté fin décembre l’un des principaux responsables de ses opérations spéciales, un certain Mohammed Chawraba, ainsi que quatre de ses collaborateurs. Issu d’une famille chiite respectée du Sud-Liban, gage de confiance dans l’organisation, Chawraba avait occupé divers postes importants au sein du Hezbollah, y compris celui de responsable de la sécurité de Hassan Nasrallah lui-même, le secrétaire général du mouvement. Toujours selon ces sources, il était depuis plusieurs années le commandant adjoint de l’Unité 901, sorte de «service action» chargé des opérations clandestines extérieures de l’organisation. Cette unité aurait été notamment chargée d’organiser des représailles à l’assassinat d’Imad Moughnié, le chef de la branche militaire du Hezbollah, tué dans un attentat ciblé à Damas en 2008. Plusieurs tentatives d’attentats contre des Israéliens à l’étranger avaient été déjouées. D’autres avaient réussi, comme l’attentat qui avait tué cinq touristes israéliens en Bulgarie en 2012, mais les agents du Hezbollah avaient été arrêtés par les autorités bulgares avec une surprenante rapidité. L’assassinat d’un haut responsable du Hezbollah à Beyrouth en décembre 2013 et l’arrestation d’un agent secret de l’organisation au Pérou en octobre 2014 pourraient aussi avoir été causés par la taupe. Selon le site d’information libanais Now, Chawraba aurait reçu d’importantes sommes d’argent de ses agents traitants du Mossad, citant le chiffre invérifiable d’un million de dollars par an.
Période délicate pour le mouvement chiite libanais
Chawraba aurait été démasqué après que son mouvement lui aurait confié de fausses informations. Les Israéliens, qui ont à plusieurs reprises lancé des attaques aériennes contre des convois ou des sites de stockage d’armes spéciales devant être livrées au Hezbollah, auraient pour une fois frappé dans le vide, désignant ainsi le traître.
D’autres affaires d’espionnage avaient déjà impliqué ces dernières années des membres du Hezbollah. Des réseaux d’agents à la solde d’Israël avaient été démasqués en 2009 au Liban, notamment un garagiste qui fournissait au Hezbollah des voitures munies de dispositifs de pistage. En 2011, un haut responsable du mouvement chiite avait fait défection et franchi la clôture de la frontière israélienne dans le godet d’une pelleteuse qui l’avait soulevé au-dessus du grillage.
Pour le Hezbollah, la présence d’un traître dans ses rangs à ce niveau-là constitue un précédent fâcheux, propre à alimenter une paranoïa dangereuse au sein du mouvement et à démoraliser ses militants
Mais cette dernière affaire est beaucoup plus importante que les précédentes. Si elle est avérée, il s’agit de la trahison au plus haut niveau qu’ait connu à ce jour une organisation réputée quasi impénétrable. Elle coïncide avec une période délicate pour le mouvement chiite libanais. Engagé dans la guerre civile syrienne aux côtés du régime de Bachar el-Assad, auquel il a fourni une aide militaire essentielle, le Hezbollah a perdu de nombreux combattants dans la bataille en Syrie, mais aussi une grande partie de son aura auprès de l’opinion libanaise: au lieu d’incarner comme dans les années 2006 la «résistance» à Israël, le mouvement apparaît à présent à beaucoup de gens comme un simple instrument au service des intérêts stratégiques iraniens.
L’arrestation de Chawraba constitue évidemment un revers pour Israël, qui perd un agent placé au cœur de l’appareil sécuritaire de son ennemi juré. Mais pour le Hezbollah, la présence d’un traître dans ses rangs à ce niveau-là constitue un précédent fâcheux, propre à alimenter une paranoïa dangereuse au sein du mouvement et à démoraliser ses militants. Les demi-aveux de Cheikh Qassem pourraient ainsi avoir eu pour but de limiter les dégâts potentiels.