Chaque jour, les djihadistes et leurs soutiens font preuve d’une redoutable inventivité dans la saloperie.
Et pourtant, il y a toujours des personnes pour nous dire avec des pathétiques contorsions sémantiques que, non, vraiment, « Charlie Hebdo » en a trop fait et en fait trop…
Religion du Livre, disent-ils. A Mossoul, deuxième ville d’Irak, les suppôts de Daech en ont brûlé, selon Associated Press, près de 2 000 dans un autodafé qui renvoie en ligne directe aux pratiques des nazis dans les années 30. Pour eux, la religion n’a pas besoin de spiritualité. On se souvient que la tombe du prophète Jonas, également à Mossoul, un site archéologique datant du VIIIe siècle av. J.-C., avait été détruite à l’explosif le 24 juillet dernier. La religion n’a pas besoin de sachants. En Afghanistan, les talibans ont planifié puis accompli durant trois ans la destruction systématique de plus de 55 000 livres rares et de grande valeur historique, ne préservant que des textes coraniques. Crimes contre l’esprit, crimes contre l’humanité et qui illustrent la pertinence de la prophétie du poète Heinrich Heine : « Là où on brûle les livres, on finit aussi par brûler les hommes. »
Religion du Livre ou plutôt religion d’un seul livre. Ouvrage qu’ils n’ont d’ailleurs pour la grande majorité d’entre eux pas lu. De même qu’ils ont manifesté ces dernières semaines en beuglant contre des caricatures qu’ils n’avaient pas vues. L’ignorance possède sa métaphysique et cette métaphysique justifie le pire.
Le pire, on semble le trouver chaque jour tant les djihadistes font preuve d’une redoutable inventivité dans la saloperie. Le pilote de l’armée jordanienne prisonnier de l’Etat islamique a été brûlé vif dans une cage de fer. Après quoi, un tracteur a déversé des gravats sur la cage du supplicié. C’est à ce souci du détail dans l’horreur, cette gourmandise dans l’abjection, que la vraie identité généalogique de ces crimes se révèle : ils sont bien la dernière « perle » crachée de l’huître génocidaire.
Un ancien ministre pakistanais offre une prime de 200 000 $ à qui tuerait le nouveau patron de « Charlie »Le royaume hachémite a réagi par la loi du talion après l’assassinat du jeune soldat. Le meurtre risque de réveiller la controverse sur le rôle de la Jordanie dans la coalition contre Daech. Il serait aussi heureux, au passage, que les autorités s’interrogent, même brièvement, sur leurs responsabilités après des années de vente publique dans les kiosques d‘Amman de Mein Kampf ou des Protocoles des sages de Sion.
Au même moment, à des milliers de kilomètres de là, l’ancien ministre pakistanais Ghulam Ahmad Bilour annonçait qu’il offrait une prime de 200 000 dollars à celui qui tuerait le nouveau patron de Charlie Hebdo, le dessinateur Riss. Et, dans sa grande largesse, l’épouvantail offre également 100 000 dollars de « compensation » à la famille des frères Kouachi. Ce n’est pas la première fois que ce sinistre personnage promet des récompenses à qui se soumettrait à ses fatwas délirantes sans que cela émeuve outre-mesure le gouvernement d’Islamabad. Rappelons que le Pakistan est le pays qui s’estime odieusement diffamé.
quand une série télévisée, « Homeland », fait état de connivences entre une partie de ses militaires et de ses services de renseignement avec les talibans. Ici, la réalité dépasse la friction. Rappelons également que le Pakistan est aussi le pays qui, pour protester contre les blasphèmes de « la France de Hollande » (sic), brûle des drapeaux italiens en brandissant des effigies de… Nicolas Sarkozy.
Et pendant ce temps, ici et maintenant, il y a toujours des personnes pour nous dire avec des pathétiques contorsions sémantiques que, non, vraiment, Charlie Hebdo en a trop fait et en fait trop. Vous savez quoi ? Ils sont même de plus en plus présents et donnent de plus en plus de la voix. C’est qu’ils brandissent la plus efficace des armes : la peur.