On tente de nous effrayer avec l’allégeance d’untel ou d’un autre à Daech. Mais, mettons-nous à jour : Daech est déjà en perte de vitesse en Syrie et en Irak.
Pas vraiment, on verra plus loin, pour cause de prétendue guerre aérienne menée par la « coalition internationale », mais surtout sous le poids des résistances locales, de ses divergences internes et de l’émergence de discordes entre les divers éléments ethniques et culturels qui le composent.
Dont les « volontaires » étrangers, qui constatent, avec le temps, à quel point la colonne vertébrale traditionnelle de Daech, composée de sunnites locaux fanatisés, leur est aliénée, les considérant, au fond, comme occidentaux et suspects, apostats en puissances.
Etrangers qui sont mieux traités et mieux payés par Daech que les locaux, ce qui ne manque pas de générer disputes et jalousies. Ils en arrivent maintenant aux mains, voire aux armes.
Ces dernières semaines Daech décapitaient certes de civils ; mais aussi, exécutaient leurs propres ex-militants accusés de trahison vu qu’ils auraient voulu (re)partir en Turquie.
L’intransigeance absolue, prétendument islamique, la conformité pointilleuse aux textes anciens prônée par Daech est intenable dans le monde actuel. L’expansion de l’Islam au 7ème siècle, qui leur sert de mythe fondateur, se déroulait dans un désert, un vide démographique et culturel. Or, c’est loin d’être le cas hic et nunc.
Les kurdes et les chi’ites ne se laissent absolument pas faire. Les deux engeances sont organisées et déterminées ; et la dernière s’appuie sur une puissante assistance iranienne ; certes en matériel mais aussi en hommes, dont des officiers supérieurs aguerris ; généraux souvent issus des pasdaran qui, par tradition, ne demandent pas mieux que de régler son compte au sunnisme radical.
A terme on voit difficilement Daech gagner contre la tenaille chi’ite et ses deux branches : sur son flanc sud-est l’armée du gouvernement de Bagdad installé initialement par les USA, ses alliés iraniens et sa population viscéralement hostile à Daech ; sur son flanc nord-ouest l’armée d’Assad assistée du Hezbollah et toujours des iraniens. Sans oublier l’épée kurde suspendue au-dessus de sa tête.
C’est que, la posture de Calife adoptée par le dénommé Abou Bakr al-Baghdadi est une lourde tâche, codifiée par une jurisprudence millénaire, inapplicable de nos jours, et assortie de devoirs qui frisent, par les temps qui courent, l’impossible voire le suicidaire.
Tant il est vrai que, obligé à faire le Djihad sans relâche (quoique pas sur tous les fronts simultanément) le moindre signe d’entente avec des « mécréants » (dont musulmans « modérés » ou chi’ites…) pourrait s’apparenter à une faiblesse de sa part et lui être fatal.
En effet, ses « sujets » ont le droit et le devoir d’attirer son attention, certes au début en privé, sur des aspects de sa politique ou de son comportement qu’ils considèrent comme déviants par rapport à la sacro-sainte règle islamique. Mais en cas de persistance de sa part « dans l’erreur » (voire, plutôt, impossibilité à se conformer à telle ou telle obligation issue de l’Islam médiéval) n’importe quel musulman croyant pourrait, en toute islamité, faire son possible pour le destituer voire, au besoin, le liquider physiquement.
Daech est donc un véhicule privé de marche arrière ; ceci explique son extraordinaire expansion initiale.
Et aurait pu expliquer sa chute à terme, si n’était l’invraisemblable bienveillance, à bien y regarder, de la dénommée « coalition internationale » à son égard.
Car, entendons-nous bien : que fait, depuis au moins six mois, la formidable armada aérienne « coalisée » (dont française, porte-avions et tout le toutim) dans la région ? Bombard-t-elle sans relâche les « positions » ( ???…) de Daech ? Elle qui possède une puissance de feu à démolir la moitié de la planète, n’arrive-t-elle pas à bout de barbus en camionnettes pick-up surmontées de mitrailleuses qui évoluent à découvert dans le désert ?
N’arrive-t-elle pas à éradiquer une pseudo-armée privée de tout moyen aérien ni anti-aérien ? Comment expliquer que le formidable Daech, dont on nous rabâche les oreilles de l’opulence financière, ne possède aucun avion ni aucune batterie de DCA ni un radar ni un seul missile sol-air ? Sachant que pour une poignée de dollars il aurait pu avoir de milliers d’équivalents du « Stinger » américain, de quoi expédier les braves pilotes occidentaux ad patres ?
Les satellites qui voient tout, les drones américains porte-missiles auxquels rien ne résiste du Yemen au Pakistan, capables d‘atteindre une mouche en vol, sont-ils programmés pour rater les Toyota Land-Cruiser de Daech en Syrie et en Irak ? Les Grandes Oreilles de la CIA qui savent ce qu’Angela dira à François avant qu’elle le sache elle-même, ignorent-elles où se cache le dénommé Baghdadi à tout instant ?
Rien ne brûle mieux qu’une installation pétrolière. Or, celles dont on nous dit qu’elles financent Daech, pourtant identifiées (merci satellites et Grandes Oreilles) en Syrie et en Irak, semblent équipées de pare-feu anti-Rafale particulièrement efficaces…
A quoi aurait ressemblé la sanglante bataille de Kobané si on avait lâché une demi-douzaine de drones sur les forces de Daech approchant la ville, avec tambour et trompette, au vu et au su non seulement des armées en présence, mais de toute la presse mondiale ?
On ne nous dit pas tout. C’est que, si Daech n’existait pas il aurait fallu l’inventer.
Quid de l’intérêt de la Turquie de voir les communautés kurdes à sa frontière confrontées à la marionnette sanguinaire dite Daech, histoire d’éviter leur collusion avec leurs frères « de l’intérieur », militant pour l’autonomie kurde depuis toujours ?
Quid de l’intérêt d’Israël de voir les chi’ites à sa frontière nord, Hezbollah et Assad, en prise mortelle avec Daech ?
Et surtout : Quid de l’unique force, obligatoirement sunnite, capable, sans engager ouvertement l’Arabie Saoudite dans une guerre de religion intra-islamique, de contrer la mainmise chi’ite, donc iranienne, sur la Syrie et l’Irak ?
Quid des approximations traditionnelles pratiquées par les USA pour justifier leur comportement à l’international ? Quid des « armes de destruction massive » de Saddam en Irak en 2003, gros bobard devant l’éternel ? Quid des Talibans, importés par la CIA pendant la décennie 1980 du Pakistan pour contrer la force expéditionnaire Soviétique en Afghanistan ?
C’est pourquoi loin de votre humble serviteur l’idée que Daech, ayant certes mangé son pain blanc, s’achemine vers la sortie de la scène. On n’a probablement pas fini d’entendre parler de la sanguinaire marionnette.
Et on ne verra probablement pas se rétablir de sitôt les prétendus Etats-Nations arabes, entités artificielles s’il en est, que furent feue l’Irak et la pas-vraiment regrettée Syrie.
La redistribution territoriale genre épuration ethnico-religieuse opérée par Daech, qui, par émigration forcée, concentre des populations sunnites et chi’ites sur des territoires séparés faisant fi des anciennes frontières, semble dessiner un nouveau status-quo qui, finalement, arrange tout le monde.
Sauf les pauvres populations civiles locales, passées par pertes et profits.

