La presse se réjouit, certes, de la victoire remportée sur Daech dans la « perle du désert », mais s’inquiète de ses suites sur la situation en Syrie.

Un soldat prorégime fait le V de la victoire dans la ville moderne de Palmyre.

L’armée syrienne, appuyée par son allié russe, a infligé une cuisante défaite au groupe djihadiste État islamique (EI) en lui reprenant la ville de Palmyre. Ban Ki-moon s’en félicite et, de fait, comment ne pas s’en réjouir après les destructions infligées par les djihadistes à « la perle du désert », dont le patrimoine est inscrit à l’Unesco ? D’autant que cette victoire pourrait être décisive face à l’EI en Syrie. Pourtant, certains éditorialistes restent circonspects. Car cette victoire remet spectaculairement Bachar el-Assad en selle, ce qui pourrait compliquer encore le retour de la paix en Syrie. Et pourrait surtout profiter à Vladimir Poutine.

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« Le Citron » y voit « une revanche » quelques jours après les attentats de Bruxelles, mais s’inquiète de la réaction d’un « califat » en déroute. « Ce week-end, la prise de Palmyre par les soldats du régime syrien, assistés par l’aviation russe et des combattants du Hezbollah libanais, a pris, en retour, un air de revanche presque jubilatoire. Comme le signe d’un coup d’arrêt à l’expansionnisme du califat autoproclamé au Moyen-Orient. Avec l’implication massive russe en Syrie, Daech paraît avoir atteint les limites de ses capacités militaires. (…) Mais ces revers ne se traduiront pas forcément par une diminution immédiate du pouvoir de nuisance terroriste de Daech. Au contraire, l’État islamique peut d’autant plus être incité à multiplier les attentats suicides en occident. Par ailleurs, cette victoire de Palmyre est aussi un résultat stratégique pour le régime de Damas. Elle permet singulièrement à Bachar el-Assad de revenir dans le jeu, alors que les négociations de paix traînent à Genève.(…) »

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Dominique Garraud dans La Charente libre souligne que cette défaite de l’EI est surtout une victoire pour Poutine. « Il s’est encore trouvé hier au palais présidentiel de Damas des parlementaires français (LR) pour servir de faire-valoir à un Bachar el-Assad triomphant et fustigeant le manque de sérieux de la coalition menée par les États-Unis après l’exploit important de la reprise de la ville antique de Palmyre. Aucun d’eux n’aura sans doute eu l’outrecuidance de faire remarquer au dictateur syrien que cette reconquête aurait été impossible sans le concours militaire décisif des forces russes et iraniennes. Abandonnée à Daech sans combattre en mai dernier par une armée syrienne alors en pleine débandade, Palmyre et ses trésors archéologiques ne doivent aujourd’hui leur salut qu’à un Vladimir Poutine, dictant plus que jamais le cours de cette guerre. Alors que le cas Assad bloque toujours les négociations de Vienne, ses alliés russes et iraniens veulent démontrer que le cessez-le-feu avec les rebelles syriens et son maintien au pouvoir permettent de porter des coups sévères à Daech. (…) »

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Des félicitations « hypocrites »

Plus circonspecte encore, Carole Bouillé  s’inquiète des suites d’une victoire du régime appuyé par les Russes et le Hezbollah. « L’enthousiasme quasi unanime manifesté face à cette déroute des combattants de Daesh peut tout de même surprendre. Certes, il s’agit d’une victoire d’une puissance symbolique forte. Certes, Daech essuie un nouveau revers après l’élimination par les Américains d’Al-Qadouli présenté comme le numéro deux de l’organisation. Certes, six jours après les attentats de Bruxelles, l’Europe ne boude pas son plaisir face au repli de l’État islamiste. Mais, faut-il pour autant applaudir des deux mains cette victoire des hommes de Bachar el-Assad soutenus, le mot est faible, par les troupes russes et le Hezbollah libanais ? Une opération qui permet au tyran syrien de revenir sur le devant de la scène grâce à son allié russe. Et vice-versa. Le duo Assad-Poutine en ressort plus fort sur la scène internationale. Il se pose en rempart face aux islamistes, promettant même de reprendre Raqqa, le fief de Daech.(…) »

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Yves Harté décrypte le calcul russe dont l’appui, très important, y compris au sol, a été décisif dans cette bataille. « Vladimir Poutine a fini par admettre qu’il ne pourrait y avoir de solutions en Syrie sans une partition territoriale et que jamais aucune solution militaire ne saurait aujourd’hui rétablir l’assise ancienne de Bachar el-Assad sur l’ensemble d’un pays. Le mieux, pour en sortir, était de regagner du terrain sur le principal ennemi, Daech. La victoire de Palmyre participe de cette stratégie. Dans le même temps, sur l’autre front, celui d’Irak – et il est difficile de ne pas y voir également l’influence de Poutine –, Mossoul, ville essentielle pour Daech, est encerclée par les troupes irakiennes et les peshmergas kurdes, et peut à tout moment céder. Pour la première fois, Daech est en train de reculer territorialement, au moment même où de petites frappes européennes, se prévalant de cette même guerre contre l’Occident, viennent de semer la mort au coeur de Bruxelles.(…) »

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Se réjouir ou pas ? Raymond Couraud n’hésite pas à doucher l’enthousiasme occidental : « (…) L’armée syrienne est rentrée dans Palmyre. Il est délicat de dire merci à Bachar el-Assad comme à son garant Poutine. Mieux vaut ne rien dire et se féliciter hypocritement du succès de cette coalition hétéroclite. Le plus dur reste à faire. La paix en Syrie s’annonce un peu plus compliquée à réaliser avec un régime remis en selle. Les négociations, déjà ardues, risquent de s’enliser, surtout si on y ajoute la question kurde. En France comme en Belgique, le salafisme est toujours aussi vivace. La reconquête de nos quartiers abandonnés aux islamistes radicaux nécessite le retour de la démocratie et, surtout, celui du courage politique appuyé sur des convictions solides. Tout ce qui nous a manqué, sur une autre échelle, à Palmyre. »

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Reprise de Palmyre : une défaite cuisante pour l’EI.

Face aux djihadistes de l’État islamique, l’armée syrienne était soutenue par l’aviation et les forces spéciales russes ainsi que par le Hezbollah libanais.

Le temple de Bel, à Palmyre, en 2009.

L’armée syrienne, appuyée par son allié russe, a infligé une cuisante défaite au groupe djihadiste État islamique (EI) en lui reprenant la ville de Palmyre, cité antique du centre de la Syrie inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco. Il s’agit de la victoire la plus importante du régime face à l’EI depuis l’intervention militaire dans le conflit syrien, fin septembre 2015, de la Russie, allié indéfectible du président Bachar el-Assad.

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Après avoir reconquis Palmyre, les forces pro-régime n’auront qu’à déloger l’EI de la localité d’Al-Alianiyé, à 60 kilomètres plus au sud, pour reprendre le contrôle du désert syrien et avancer vers la frontière avec l’Irak, contrôlée en grande partie par les djihadistes. Bachar el-Assad a qualifié dimanche d' »important exploit la libération de Palmyre », ville vieille de plus de 2 000 ans. Le président russe Vladimir Poutine a félicité par téléphone Bachar el-Assad, qui lui a exprimé « une haute appréciation de l’aide apportée » par la Russie, selon un porte-parole du Kremlin.

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Ville fantôme.

Selon un correspondant de l’Agence France-Presse sur place, Palmyre ressemblait dimanche à une ville fantôme, la quasi-totalité des habitants ayant fui les bombardements et les raids aériens ces derniers jours. D’énormes destructions y témoignent de la violence des combats. Dans chaque quartier, les immeubles portent l’impact de balles et des trous béants défigurent leurs façades. La télévision d’État a montré des images de destructions dans le musée de Palmyre avec des têtes de statues renversées, le sol couvert de débris et un grand cratère au plafond.

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Soutenue par l’aviation et les forces spéciales russes, ainsi que par le Hezbollah libanais et des milices, l’armée avait lancé le 7 mars l’offensive pour reprendre Palmyre à l’EI, qui s’en était emparée en mai 2015. En 20 jours de combats, 400 djihadistes sont morts, « le bilan le plus lourd pour l’EI dans une seule bataille depuis son émergence » dans le conflit en 2013, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). 188 membres des forces prorégime y ont péri. La perte de Palmyre est la deuxième grande défaite de l’EI en Syrie, après celle en janvier 2015 à Kobané (nord).

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Fort de son succès, le commandement militaire syrien a affirmé que Palmyre « sera la base à partir de laquelle s’étendront les opérations contre le groupe terroriste notamment à Deir Ezzor (est) et Raqa (nord) », principaux fiefs de l’EI. Le but est de « couper leurs lignes de ravitaillement et de reprendre les territoires sous leur contrôle pour mettre fin à leur existence » en Syrie. L’ordre de retrait est venu du commandement de l’EI à Raqa, a indiqué l’OSDH, mais il reste « une poignée de djihadistes qui veulent se battre ». Des combats se poursuivaient d’ailleurs à l’aéroport militaire de Palmyre, au sud-est de la ville, selon l’OSDH. Selon Moscou, les avions russes ont effectué 40 sorties dans la région de Palmyre ces dernières 24 heures, bombardant 117 cibles « terroristes ».

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« Comme avant »

Responsable d’atrocités dans les régions sous son contrôle et de vastes destructions du patrimoine, l’EI a détruit à coups d’explosifs les temples de Bêl et Baalshamin à Palmyre, ainsi que les tours funéraires et le célèbre Arc de triomphe. « Nous étions si effrayés à l’idée d’entrer sur le site antique et de le trouver complètement détruit », a confié un soldat du régime sous couvert d’anonymat, « mais quand nous sommes entrés, nous avons été soulagés ». « Le paysage général est en bon état » et Palmyre « redeviendra comme avant », a assuré le chef des Antiquités syriennes Mamoun Abdelkarim.

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De l’autre côté de la frontière, en Irak, l’EI est aussi la cible d’une large offensive de l’armée qui cherche à reprendre son fief de Mossoul (nord), avec le soutien aérien de la coalition internationale. Les grandes puissances sont déterminées à en finir avec l’EI qui a revendiqué les attentats de mardi à Bruxelles (31 morts et 340 blessés), quatre mois après avoir commis ceux de Paris (130 morts). Palmyre était l’une des principales batailles en cours en Syrie, où une trêve est en vigueur depuis un mois entre rebelles non djihadistes et régime.

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À la faveur de cette trêve, des pourparlers indirects ont eu lieu à Genève entre régime et opposition afin de trouver une issue au conflit qui a fait depuis cinq ans plus de 270 000 morts et créé une grave crise migratoire avec la fuite de millions de Syriens. L’ONU espère un deuxième round autour du 9-10 avril.

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Palmyre : « C’est un vrai saccage »

Au vu des photos des dommages qui lui parviennent, l’experte Annie Sartre-Fauriat juge que la reconstruction du site est « illusoire ».

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Annie Sartre-Fauriat, membre du groupe d’experts de l’Unesco pour le patrimoine syrien, se dit « perplexe sur la capacité de reconstruire Palmyre » au vu des destructions considérables et des pillages sur le site et dans le musée, également « ravagé » par le groupe État Islamique. « Tout le monde s’enflamme parce que Palmyre est libérée entre guillemets, mais il ne faut pas oublier tout ce qui a été détruit et la catastrophe humanitaire du pays. Je suis très perplexe sur la capacité, même avec l’aide internationale, de rebâtir le site de Palmyre », a indiqué à l’AFPcette historienne spécialiste du Moyen-Orient, membre du groupe d’experts constitué par l’Unesco en 2013 sur le patrimoine syrien.

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« Encore faudrait-il que la guerre soit finie et que le site soit sécurisé », souligne Mme Sartre-Fauriat. « Tant que l’armée syrienne est dedans, je ne suis pas rassurée, il ne faut pas oublier que l’armée, qui occupait le site entre 2012 et 2015 a fait beaucoup de dégâts et de pillages », rappelle l’historienne. « Il ne faut pas se leurrer. Ce n’est pas parce qu’on a récupéré Palmyre sur Daech que la guerre est finie. Cette récupération est une opération politique, médiatique vis-à-vis de l’opinion publique du régime de Bachar el-Assad« , ajoute-t-elle.

Fig. 2 : Le temple de Bel à Palmyre, de Henri SEYRIG, Robert AMY et Ernest WILL. Monographie publiée par l’Ifpo (alors IFAPO) en 1968 (album) et 1975 (texte et planches), dans la Bibliothèque Archéologique et Historique (BAH 83).

« Les statues renversées, décapitées, brisées »

Selon Mme Sartre-Fauriat, qui reçoit heure par heure des photos et vidéos transmises du terrain à différents sites spécialisés en archéologie, « beaucoup de vestiges devront être passés par perte et profits ». « C’est un vrai saccage. Contrairement à ce qu’on pensait, le musée n’avait pas été vidé des pièces qu’il contenait, car le service des antiquités n’a eu que 48 heures pour emballer, et les pièces monumentales n’ont pas pu être emportées. » Selon les photos prises sur place, « les personnages sur les couvercles des sarcophages ont été martelés, toutes les statues ont été renversées, décapitées, brisées, etc. » Les plaques funéraires, qui sont typiques de Palmyre, « ont été arrachées sauvagement des murs, probablement pour être vendues par Daech sur le marché de l’art », ajoute-t-elle.

Fig. 3 : Proposition de restitution du temple de Bel à Palmyre, vue perspective depuis l’angle sud-ouest de la cour (SEYRIG, AMY, WILL 1975, pl. 141).

Le monumental Lion d’Al-Lât tenant une gazelle entre ses pattes, qui avait été restauré et installé à l’entrée du musée « a été renversé, martelé, cassé, mais peut-être y a-t-il une possibilité de le récupérer, car il n’a pas été pulvérisé », souligne-t-elle.

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Fig. 6 : Restauration de la porte du temple en 1932. Vue d’ensemble du chantier depuis le nord-ouest (cliché Ifpo) et isométrie des parties hautes, avec mise en évidence des éléments en béton armé (ECOCHARD, Syria 18, 1937, fig. XXXV).

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