10 choses à savoir sur Norbert Hofer.
Fan de Thatcher, favorable au rattachement du Tyrol italien à l’Autriche… Tout ce que vous devez savoir sur le candidat à la présidence de la République du FPÖ, l’extrême droite autrichienne.
Norbert Hofert, le candidat à la présidence de la République du parti pour la liberté FPÖ, l’extrême droite autrichienne, affronte ce dimanche au second tour l’écologiste Alexander Van der Bellen.
Au premier tour, Hofer avait remporté 35% des voix, contre 21% pour Van der Bellen, et 11% chacun pour les deux partis de la coalition au pouvoir, le parti social-démocrate (SPÖ) et le parti conservateur (ÖVP).
L’extrême droite, qui a été au gouvernement une première fois dans les années 1980 puis au début des années 2000 en coalition avec le parti conservateur, espère empocher une victoire historique en s’asseyant sur le fauteuil du président de la République.
1.Relooking.
En 2010, le FPÖ avait présenté à l’élection présidentielle Barbara Rosenkranz, qui s’était illustrée par ses dérapages verbaux sur le nazisme. Cette fois-ci, il s’est choisi un candidat au large sourire et aux propos mesurés, qui se dit fan de Margaret Thatcher. Un ingénieur aéronautique de 45 ans, issu d’une famille de classe moyenne originaire des terres du Burgenland, une région défavorisée longeant la frontière hongroise, marié et père de quatre enfants.
Un ravalement de façade réussi. Avec ce visage neuf, hier encore inconnu du grand public, le parti s’est paré d’une apparente respectabilité qui lui a permis de rafler 35% des voix au premier tour le 24 avril, le meilleur score du FPÖ depuis sa création en 1956.
2.Marionnette.
Mais à entendre son rival, Alexander Van der Bellen, candidat des Verts, Norbert Hofer ne serait en réalité qu’une « marionnette » du sulfureux Heinz-Christian Strache, 46 ans, qui a pris la succession de Jorg Haider à la tête du FPÖ en 2005. C’est Strache qui aurait convaincu Hofer de se présenter à la présidence alors qu’il avait d’abord refusé le job, se considérant « trop jeune ». Strache, prothésiste dentaire de formation, se voit déjà chancelier, le véritable numéro un de l’exécutif autrichien. Un rêve qui pourrait devenir réalité à l’automne prochain, si des législatives anticipées sont convoquées.
3.Homme d’appareil.
Son père était un conseiller local membre du parti conservateur ÖVP, mais Norbert Hofer a rejoint le FPÖ dès ses 24 ans en intégrant sa branche régionale du Burgenland, d’où il est natif. Cette région est d’ailleurs aujourd’hui dirigée par une coalition entre le FPÖ et les sociaux-démocrates. Deux ans plus tard, en 1996, Hofer devient secrétaire du parti pour le Burgenland. Il gravit un à un les échelons pour devenir un de ses vice-présidents au niveau fédéral. Devenu proche conseiller du chef du FPÖ Heinz-Christian Strache, c’est lui qui a dirigé la rédaction du programme du parti en 2011. Au menu, pas de surprise : un discours populiste sur le pouvoir d’achat, anti-européen, anti-islam et anti-réfugiés.
4.Anti-islam.
Norbert Hofer refuse que l’Autriche, premier pays riche sur la route des Balkans qui a enregistré 90.000 demandes d’asile en 2015, devenant l’un des premiers pays d’accueil de l’Union européenne avant de finir par fermer ses frontières en fin d’année, « devienne un pays d’immigration ». Et encore moins « un pays à majorité musulmane ». Lui qui, en 1996, avait tenté d’entraver la construction d’une mosquée à Parndorf, a annoncé qu’il ne nommerait jamais une ministre portant le voile.
5.Tyrol.
En février 2015, Norbert Hofer s’est déclaré pour le retour à l’intérieur des frontières autrichiennes d’une partie du Tyrol rattachée à l’Italie depuis 1919 :
« Tyroliens du Sud, votre patrie, c’est l’Autriche ! »
Cette question du sud Tyrol est un thème cher à l’extrême droite depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Dans un entretien à « La Repubblica », le président du FPÖ Heinz-Christian Strache s’est récemment exprimé lui aussi sur le sujet : « Je veux guérir les blessures existantes et donner au Tyrol l’occasion de se réunifier ». Il a défendu le droit à l’autodétermination des habitants de cette région, outre celui d’obtenir la nationalité autrichienne.
6.Pangermanisme.
Le FPÖ a aujourd’hui estompé de son discours le pangermanisme. Mais, comme bon nombre de cadres du parti, Herbert Hofer fut membre d’une corporation estudiantine, « Marko-Germania », issue du courant national-allemand (« deutschnational »), qui proclame l’Autriche comme une partie intégrante de la Grande Allemagne et qui pratique encore le duel initiatique clandestin à l’épée, sans protection du visage. Et il revendique pour artiste favori le peintre et sculpteur Odin Wiesinger, qui a célébré le nationalisme allemand dans des toiles représentant des cartes de la Grande Allemagne.
7.Pouvoirs limités, mais…
Le président autrichien ne gère pas le pays mais il a tout de même des pouvoirs non négligeables : il est le chef des armées, il nomme le chancelier et peut dissoudre le Parlement. Or, en cas d’élections anticipées, le FPÖ est certain d’arriver en tête : il devance largement ses concurrents dans toutes les enquêtes d’opinion. Dans le dernier sondage Gallup du 20 mai, il est crédité de 33 % des intentions de vote, contre 23 % pour la SPÖ sociale-démocrate et 22 % pour l’ÖVP conservatrice, qui composent la coalition actuellement au pouvoir, et 13 % pour les Verts.
8.Pistolet.
C’est avec un pistolet Glock à la ceinture, une arme de fabrication autrichienne, que Norbert Hofer a fait campagne.
« Dans des temps incertains, les gens essayent de se protéger », a-t-il justifié, en référence à la crise des migrants.
Sur son compte Instagram, cet adepte des réseaux sociaux a posté une photo de lui sur un champ de tir avec ses enfants. « C’est juste que j’adore le tir », a-t-il commenté.
9.Parapente.
C’est un survivant. En août 2003, un accident de parapente le cloue dans une chaise roulante. Après six mois de rééducation, il parvient à retrouver la motricité de ses jambes. Depuis, il boîte et marche à l’aide d’une canne. Un combat qui témoigne d’une volonté de fer, à en croire sa mère, sa première fan : « Il se donne toujours à 100%. Enfant, déjà, il voulait toujours faire tout parfaitement », a-t-elle raconté aux médias autrichiens.
10.Félicitations lepénistes.
Sur Twitter, Marine le Pen s’est empressée de féliciter ses « amis du FPÖ » après la victoire de Norbert Hofer au premier tour :
« Mes plus sincères félicitations à nos amis du #FPÖ pour ce résultat magnifique. Bravo au peuple autrichien ! ».
Elle avait été l’hôte de marque de ses « amis » le 27 janvier 2012 lors du bal des corporations estudiantines, principal réservoir du FPÖ, qui se tient chaque année dans l’ancien palais impérial de la Hofburg à Vienne.
Succès de l’extrême droite en Autriche : une recette maison.

Le FPÖ, parti d’extrême droite autrichien, est arrivé en tête du premier tour de l’élection présidentielle dimanche. Faut-il y voir « une préfiguration française » ?
Vice-président du FPÖ (Parti autrichien de la liberté),Norbert Hofer a obtenu dimanche 36,4% des voix au premier tour de la présidentielle.
L’extrême droite autrichienne réalise là son score le plus important à une élection nationale depuis la Seconde Guerre mondiale. Faut-il craindre, comme l’a suggéré le garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas, « une préfiguration française » ? Ce scénario paraît peu probable dès lors qu’on regarde la recette très particulière du succès du FPÖ en Autriche.
1.Une extrême droite dédiabolisée.
Discret et avenant, le candidat Norbert Hofer, 45 ans, a réussi à « dédiaboliser » l’image de son parti, jadis associé à des positions explicitement xénophobes et antisémites.
Le tournant est récent. En 2010, le FPÖ présentait à l’élection présidentielle Barbara Rosenkranz, candidate aux propos ambigus sur le nazisme et abonnée aux dérapages verbaux. Résultat : 15% des suffrages. Aux législatives de 2013 en revanche, sous l’impulsion de Norbert Hofer, le FPÖ confirme son statut de troisième parti d’Autriche avec 21% des votes. Entre-temps, les propos polémiques ont été bannis.
Que propose le FPÖ ? A l’image du FN, il développe un discours populiste sur le pouvoir d’achat, la critique de l’Europe et la peur de l’islam. Classique. Nicolas Hofer, quoique lesté de vingt années de militantisme au FPÖ, porte cette idéologie avec un visage neuf.
2.L’Autriche est sur la route des migrants.
Située sur la route des Balkans, dernière étape avant l’arrivé sur le très convoité sol allemand, l’Autriche est au cœur de la crise des réfugiés. Avec 90.000 demandes d’asile enregistrées en 2015, elle est devenue l’un des premiers pays d’accueil de l’Union européenne.
Mais après avoir soutenu la politique de « porte ouverte » d’Angela Merkel, le gouvernement autrichien a finalement fermé ses frontières fin 2015. Trop tard aux yeux de l’opinion publique. Norbert Hofer a surfé sur cette arrivée massive des migrants et le débat a dominé la campagne électorale.
3.L’usure des grands partis.
Aux tensions liées à la crise migratoire s’ajoute l’usure de la grande coalition formée par les sociaux-démocrates du SPÖ et les conservateurs de l’ÖVP depuis 2008. Le vote FPÖ rend surtout compte du ras-le-bol des Autrichiens envers un bipartisme rigide. Comme Jean-Yves Camus sur France Info :
« C’est un vote de contestation globale d’un système politique dont l’immobilisme est absolument terrible. »
C’est la fin d’une ère pour les deux partis de gouvernement, éliminés dimanche avec chacun 11 % des voix. Norbert Hofer affrontera au second tour l’indépendant Alexander Van Der Bellen, un ancien professeur d’université soutenu par les écologistes.
4.L’attractivité chez les jeunes.
Depuis 2007, les Autrichiens peuvent voter à partir de 16 ans. Une particularité qui renforce l’extrême droite, très populaire chez les moins de 18 ans. En 2008, ils étaient 40% à avoir choisi le FPÖ aux législatives. Et pour Jean-Yves Camus, les jeunes « sont de plus en plus fréquemment des électeurs du FPÖ ».
Il faut dire aussi que cet électorat est ouvertement dragué par le parti populiste. En 2013, le leader Heinz-Christian Strache a enregistré un clip de rap, qui a dépassé le million de vues sur Youtube. La force d’attraction du parti populiste chez les jeunes a été confirmée dimanche.
5.L’extrême droite, vieille tentation autrichienne.
En 2000, le FPÖ est le premier parti d’extrême droite européen à entrer dans un gouvernement. Sous l’impulsion de son leader charismatique Jörg Haider, le parti a formé une alliance avec les conservateurs de l’ÖVP. Un tabou est brisé. Les nations européennes ont mis l’Autriche sous surveillance, craignant des dérives autoritaristes.
Mais l’histoire de l’Autriche est depuis longtemps liée à l’extrême droite. Dès 1986, le passé nazi avait ressurgi quand les Autrichiens ont élu pour président le conservateur Kurt Waldheim, ancien secrétaire général de l’ONU et ex-officier de la Wehrmacht.
6.L’instrumentalisation du passé.
Héritière du nationalisme allemand, l’extrême droite autrichienne joue sur le thème du Heimat, la nation germanique définie par son sentiment d’appartenance. Avant le IIIe Reich, les Autrichiens se considèrent comme Allemands. La « prise de conscience de la nation autrichienne » (Félix Kreissler) s’amorce avec le règne nazi et il faut attendre un traité d’Etat de 1955 pour que naisse l’Autriche libre et souveraine, avec ses frontières actuelles.
L’identité autrichienne est aujourd’hui une réalité, mais « le refus du caractère définitif du tracé des frontières et de la perte des territoires allemands d’avant 1945 (…) est encore très vivace chez les électeurs [d’extrême droite] », soulignait Jean-Yves Camus en 2008 dans une tribune publiée sur le site de l’Iris.
Si Norbert Hofer emporte le scrutin le 22 mai, ce sera la première fois que le président autrichien – poste avant tout symbolique – n’est pas issu de l’ÖVP ni du SPÖ, les deux partis de gouvernement. Une nouvelle étape dans la relation complexe de l’Autriche avec son extrême droite.