TERRORISME
La cité de Palmyre, vieille de plus de 2.000 ans, revêt une importance stratégique pour Daesh puisqu’elle ouvre sur le grand désert syrien, limitrophe de la province d’Al-Anbar en Irak…
Les djihadistes du groupe Etat islamique (EI) se sont emparés ce jeudi de la totalité de la cité antique de Palmyre selon plusieurs sources, marquant un nouveau point contre le régime syrien et suscitant l’inquiétude pour ses trésors archéologiques. Le groupe extrémiste contrôlant désormais la moitié du territoire syrien, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH).
L’OSDH et des militants ont affirmé à l’AFP que les troupes du régime syrien s’étaient retirées de toutes leurs positions dans et à la périphérie de Palmyre, notamment des renseignements militaires de toute la Badiya (désert syrien), l’aéroport militaire et la prison dans lesquels les jihadistes de l’EI se sont introduits dans la nuit.
Dans l’Irak voisin, une contre-offensive se prépare pour reprendre Ramadi, capitale de la province majoritairement sunnite d’Al-Anbar tombée dimanche aux mains de l’EI.Les Etats-Unis, à la tête d’une coalition internationale anti-djihadiste, procèdent eux à un «réexamen» de leur stratégie en Irak promettant qu’ils « aideraient » les autorités à reprendre cette ville « dès que possible ».
Le « retrait massif des forces du régime de tous les secteurs »
La situation sera au coeur d’une réunion internationale le 2 juin à Paris, le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius soulignant qu’« il faut faire le point sur la façon dont la coalition souhaite procéder..».
Le directeur de l’Observatoire syrien des droits de l’Homme, Rami Abdel Rahmane, faisait état mercredi d’un «retrait massif des forces du régime de tous les secteurs». Il a cependant précisé que les djihadistes n’étaient pas entrés dans la prison (est) ni au siège des services de renseignement militaires (ouest) où se trouvent un grand nombre de soldats.
« Situation très mauvaise »
L’EI s’était déjà emparé du tiers nord de la ville mercredi après-midi. Le directeur des Antiquités syriennes, Maamoun Abdelkarim, avait alors affirmé que «la situation était très mauvaise», s’inquiétant du sort du site archéologique inscrit au patrimoine mondial de l’Humanité.
«Je suis vivement préoccupée par la situation du site de Palmyre. Les combats menacent l’un des sites les plus significatifs du Moyen-Orient et la population civile », a pour sa part déclaré mecredi la directrice générale de l’Unesco Irina Bokova appelant à « un arrêt immédiat des hostilités sur le site».
L’EI a déjà détruit des trésors archéologiques en Irak. La cité de Palmyre, vieille de plus de 2.000 ans, revêt une importance stratégique pour l’EI puisqu’elle ouvre sur le grand désert syrien, limitrophe de la province d’Al-Anbar en Irak, qu’il contrôle déjà en grande partie.
Sur son site Internet, l’Unesco explique en quoi Palmyre possède une « valeur universelle exceptionnelle »:
Oasis du désert de Syrie au nord-est de Damas, Palmyre abrite les ruines monumentales d’une grande ville qui fut l’un des plus importants foyers culturels du monde antique. Au carrefour de plusieurs civilisations, l’art et l’architecture de Palmyre allièrent aux Ier et IIe siècles les techniques gréco-romaines aux traditions locales et aux influences de la Perse.
Mentionnée pour la première fois dans les archives de Mari au IIe millénaire av. J.-C., Palmyre était une oasis caravanière établie lorsqu’elle entra sous contrôle romain dans la première moitié du Ier siècle et fut rattachée à la province romaine de Syrie.
Elle devint peu à peu une cité prospère sur la route commerçante reliant la Perse, l’Inde et la Chine à l’Empire romain, au carrefour de plusieurs civilisations du monde antique. Longue de 1100 m, la grande colonnade constitue l’axe monumental de la ville qui, avec d’autres rues secondaires perpendiculaires également bordées de colonnes, relie les principaux monuments publics dont le temple de Bel, le Camp de Dioclétien, l’Agora, le Théâtre, d’autres temples et des quartiers d’habitations.
L’ornementation architecturale, qui présente notamment des exemples uniques de sculpture funéraire, associe les formes de l’art gréco-romain à des éléments autochtones et à des influences perses dans un style profondément original. En dehors de l’enceinte fortifiée, se dressent les vestiges d’un aqueduc romain et d’immenses nécropoles.
La découverte des ruines de la cité par des voyageurs aux XVIIe et XVIIIe siècles a influencé par la suite les styles d’architecture.
- La splendeur des ruines de Palmyre qui se dressent dans le désert syrien au nord-est de Damas témoigne de la réalisation esthétique unique d’une oasis caravanière prospère, tour à tour indépendante et soumise à Rome du Ier au IIIe siècle. La grande colonnade constitue un exemple caractéristique d’un type de structure qui représente une évolution artistique majeure.
- La reconnaissance de la splendeur des ruines de Palmyre par des voyageurs aux XVIIe et XVIIIe siècles a eu une influence décisive sur le renouveau ultérieur des styles d’architecture classiques et de l’urbanisme en Occident.
- La grande colonnade monumentale, ouverte au centre et flanquée de bas-côtés couverts, les rues secondaires perpendiculaires de conception identique et les principaux monuments publics illustrent de manière exceptionnelle l’architecture et la configuration des villes à l’apogée de l’expansion de Rome et de son engagement en Orient. Le grand temple de Bel est considéré comme l’un des plus importants monuments religieux du Ier siècle en Orient par sa conception unique. Le traitement de la sculpture et de la gravure de l’arc monumental par lequel on pénètre dans la cité depuis le grand temple est un exemple exceptionnel d’art palmyrénien. Les monuments funéraires de grande envergure situés en dehors de l’enceinte fortifiée, dans la « Vallée des Tombeaux » témoignent de remarquables méthodes de décoration et de construction.
Tous les éléments essentiels, dont la grande colonnade, les principaux bâtiments publics et les monuments funéraires, sont situés à l’intérieur des limites. Les tombeaux-tours et la citadelle sont vulnérables aux plus légers séismes et à l’absence de conservation. Depuis l’inscription, la population de la ville adjacente s’est développée et empiète sur la zone archéologique. Malgré l’accroissement de la circulation, la route principale qui traverse le site a été déviée. Le développement du tourisme exerce des pressions sur les installations situées dans le périmètre du bien.
Le site a été classé monument national et il est maintenant protégé par la Loi nationale sur les Antiquités n° 222, telle qu’amendée en 1999. Une zone tampon a été établie et proclamée en 2007 mais n’a pas encore été soumise au Comité du patrimoine mondial.