Un organisme britannique en charge de la déradicalisation de djihadistes a publié un rapport basé sur le témoignage d’une soixantaine de transfuges de l’EI.
Les luttes intestines, la brutalité et la corruption sont les principales causes de leur déception.
Organisation armée ultra-radicale, le groupe Etat islamique -auparavant État islamique en Irak et au Levant,
EIIL– a proclamé un « califat islamique » en juin 2014 en Irak et en Syrie. Daech (en arabe), également nommé ISIS ou ISIL en anglais, attire des djihadistes du monde entier.
« Daech tue les musulmans au lieu de les protéger ».
Le Centre international pour l’étude de la radicalisation (ICSR), rattaché au King’s College de Londres, vient de publier un rapport réunissant le témoignage de 58 déserteurs de l’organisation Etat islamique (EI). Les raisons qui expliquent leur déception sont souvent liées à ce qui les a attiré, explique le rapport.
« Le groupe n’a pas été à la hauteur de leurs attentes (politiques, religieuses, ou matérielles), et les comportements de l’EI étaient incompatibles avec leurs propres revendications et l’idéologie prétendument défendue ».
Le document classe leurs griefs en quatre catégories:
Luttes intestines.
Les déçus de Daech -qui se veut défenseur des sunnites persécutés ou marginalisés de Syrie et d’Irak- lui reprochent les combats permanents contre d’autres groupes rebelles sunnites (Ahrar el Sham, Jabhat el Nusra…)
Pour ces témoins, lutter contre d’autres sunnites est une erreur, c’est contre-productif, et illégitime en termes religieux.

Brutalité envers les musulmans.
Plusieurs des anciens militants interrogés par l’ICSR dénoncent les atrocités commises par les djihadistes et le nombre de victimes innocentes, en particulier des femmes et des enfants. Ils mettent également en cause les exécutions d’otages et les mauvais traitements infligés aux villageois des régions sous leur contrôle.
La dépravation.
Si aucun des témoins ne parle de corruption systémique, plusieurs d’entre eux se plaignent de la conduite injuste de certains « émirs » ou commandants. Ils dénoncent le traitement de faveur accordé aux combattants étrangers, une pratique contraire, selon eux, aux principes égalitaristes de l’islam.
Pour eux, l’EI a trahi sa promesse de créer une société islamique parfaite. Si la plupart étaient prêts à endurer les rigueurs de la guerre, ils ne tolèrent pas l’injustice, l’iniquité et le racisme.
Les conditions de vie.
Une petite partie des témoins se disent déçus de leurs conditions de vie. Attirés pour des raisons matérielles, ceux-là ont vite réalisé que les promesses (voitures, biens de luxe) qu’on leur avait fait n’étaient pas tenues.

Les militants en provenance des pays occidentaux ont trouvé difficile de vivre sans électricité et sans produits de base, même si, ajoute le rapport, peu d’entre eux ont admis avoir quitté le groupe pour ces raisons.
Pour certains d’entre eux, la guerre ne correspondait pas à ce qu’ils avaient imaginé. Soit qu’ils se voyaient relégués à des tâches subalternes, soit, au contraire, parce que les combattants étrangers étaient considérés comme de la chair à canon. Deux d’entre eux, par exemple, ont déserté lorsqu’ils ont appris que leurs chefs les avaient désignés pour un attentat suicide.
Pour le directeur du Centre international pour l’étude de la radicalisation, Peter Neuman, « l’existence même de ces transfuges brise l’image d’unité et de détermination que le groupe cherche à transmettre. Leurs récits, écrit-il sur le site de CNN, mettent en évidence les contradictions et l’hypocrisie du groupe. » Les gouvernements et la société civile devraient reconnaître la valeur de ces déserteurs et faciliter la communication de leurs témoignages. En effet, l’exemple qu’ils donnent, par leurs récits, peut encourager d’autres à en faire autant, et leur crédibilité peut aider à dissuader des aspirants-djihadistes de se joindre à Daech.