Alexandre Tharaud a accompagné la cantatrice Natalie Dessay ce matin durant la cérémonie commémorant les attentats du 13 novembre.
Il confie ses impressions, et dévoile quelques anecdotes surprenantes au sujet de ce concert si solennel.
LE FIGARO – Avec Nathalie Dessay, vous avez interprété la chanson Perlimpinpin de Barbara pour rendre hommage aux victimes. Pourquoi avoir choisi ce titre?
ALEXANDRE THARAUD – C’est l’une de mes chansons fétiches. En même temps, je trouve que c’était la plus adaptée au contexte. Ce sont les mots d’une grande artiste en colère qui oppose à la guerre et aux armes, la tendresse et le cœur. Pour moi, il n’y avait pas de chanson plus à propos que celle-ci: parce que depuis ce qui s’est passé, on n’a qu’une envie, c’est de se tenir la main. C’est ça qui nous tient. On a besoin d’être ensemble. De toute ma vie, je n’avais jamais senti un tel élan de fraternité toutes religions confondues. Cette chanson, c’est aller vers l’autre, et lui tendre les bras. Cette chanson c’est comprendre l’autre, l’aimer et aujourd’hui, il n’y a que comme ça qu’on va se relever.
De quelle manière avez-vous été embarqué dans cette aventure?
J’avais exprimé cette préférence sur France Musique dimanche dernier. J’avais raconté que cette chanson, pour moi, était la plus juste au vu des événements. Puis le ministère de la Culture m’a appelé pour me demander de le faire. Ça ne devait pas être facile pour eux de déterminer les œuvres et les artistes qui constitueraient un accompagnement approprié, la musique qu’il fallait pour entourer toutes ces familles.
Comment vous êtes-vous préparé à rendre cet hommage?
Nous n’avons répété vraiment qu’hier soir. C’était sur un fil et extrêmement émouvant. Nous avions envie de pleurer. Et ce matin, nous nous sommes levés à 6h pour venir sur place. Bien que j’aie l’habitude de la jouer, Barbara est peut-être de tous les auteurs compositeurs français la plus difficile à interpréter, particulièrement en ce qui concerne le chant. J’ai fait quelques arrangements pour l’occasion. En montant sur scène, Nathalie m’a dit qu’elle avait peur de s’effondrer… Il y avait un calme très pesant, très lourd. La musique a surgi du silence et était d’autant plus parlante qu’elle donnait du sens.
Et le piano?
C’est le même que celui sur lequel j’ai enregistré le disque des variations Goldberg pour mon disque. Un piano sublime avec lequel j’ai l’habitude de jouer. Il a passé toute la nuit dehors bien emmitouflé, malgré le zéro degré. L’Etat l’a loué et il a été réaccordé ce matin.
Avez-vous eu le temps d’échanger quelques mots avec le président François Hollande?
Il est parti trop tôt malheureusement. Et je ne suis pas resté longtemps non plus. Il fallait laisser les familles à la fin de la cérémonie. Je me trouvais illégitime pour rester là, j’ai préféré laisser ceux qui avaient besoin de se parler entre eux.
En tant que musicien, pensez-vous que les notes de musique soient plus fortes que les balles?
Non, pas plus fortes que les balles. En revanche, en tant qu’interprète, je peux être un pansement, c’est-à-dire qu’en jouant la musique du Bach, je peux faire oublier quelques secondes la douleur aux personnes souffrantes. Et si je peux par la musique être une pommade, panser une plaie, alors là j’ai une raison de vivre.