Le monde chiite fait bloc face à l’Arabie saoudite.
47 personnes condamnées pour « terrorisme », dont le leader de la contestation du régime, ont été exécutées dans douze villes différentes du royaume.
Quarante-sept personnes condamnées pour « terrorisme » ont été exécutées par l’Arabie saoudite.
Parmi les condamnés figure le haut dignitaire chiite Nimr Baqer al-Nimr, leader de la contestation du régime.
Son neveu Ali al-Nimr, mineur au moment de son arrestation, ne figure pas parmi les suppliciés.
Cette exécution n’a pas tardé à faire réagir le monde chiite.
En Iran, le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Hossein Jaber Ansari, cité par l’agence Irna, a expliqué que
« le gouvernement saoudien soutient d’un côté les mouvements terroristes et extrémistes et, dans le même temps, utilise le langage de la répression et la peine de mort contre ses opposants intérieurs (…), il paiera un prix élevé pour ces politiques ».
« Cette action provoquera la colère des jeunes » chiites en Arabie saoudite, a averti Mohammed al-Nimr, le frère du supplicié, tout en appelant au calme :
« J’espère qu’il y aura un mouvement de protestation pacifique. »
L’Arabie saoudite « règle des comptes »
L’Union européenne a exprimé samedi ses « sérieuses inquiétudes » : « Le cas spécifique du cheikh Nimr al-Nimr soulève de sérieuses inquiétudes sur la liberté d’expression et le respect des droits civils et politiques de base, qui doivent être préservés dans tous les cas, y compris dans le cadre de la lutte contre le terrorisme », a déclaré la chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini, citée dans un communiqué.
« Ce cas a le potentiel d’enflammer un peu plus les tensions sectaires qui font déjà beaucoup de dégâts dans la région, avec des conséquences dangereuses », estime encore Federica Mogherini.
L’UE appelle ainsi le royaume à « promouvoir la réconciliation entre les différentes communautés » qui le composent et demande à toutes les parties de faire preuve de « retenue et de responsabilité ».
L’Arabie saoudite « règle des comptes politiques », a estimé auprès de l’Agence France-Presse Philip Luther, directeur d’Amnesty pour le Moyen-Orient.
« Les autorités saoudiennes disent avoir mené ces exécutions pour préserver la sécurité. Mais l’exécution du cheikh Nimr Baqer al-Nimr suggère qu’elles utilisent les exécutions pour régler des comptes politiques (…) sous le couvert de la lutte contre le terrorisme », a déclaré Philip Luther.
« C’est une tentative de faire taire les critiques contre le régime, en particulier au sein de la communauté des activistes chiites », a poursuivi le directeur d’Amnesty pour le Moyen-Orient, pour qui le procès de Nimr Baqer al-Nimr a été « manifestement inéquitable ».
L’Irak promet la fin du règne de la dynastie des Al-Saoud.
En Irak, Khalaf Abdelsamad, chef du bloc parlementaire du parti chiite Dawa – le parti du Premier ministre Haider al-Abadi -, a exhorté le gouvernement à « fermer l’ambassade saoudienne en Irak, expulser l’ambassadeur et exécuter tous les terroristes saoudiens emprisonnés en Irak », en rétorsion, selon un communiqué de son cabinet.
L’ambassade saoudienne à Bagdad a rouvert le 15 décembre dernier, 25 ans après la suspension des relations entre les deux pays à la suite de l’invasion du Koweït.
Quelque 61 ressortissants saoudiens étaient détenus dans les prisons irakiennes il y a six mois, a indiqué un porte-parole du ministère de la Justice sans fournir de chiffres plus récents.
« L’exécution du cheikh Nimr Baqer al-Nimr aura de graves conséquences et mènera à la fin du règne de la dynastie des Al-Saoud », a prévenu le bureau de Khalaf Abdelsamad.
« Les dirigeants saoudiens soutiennent le terrorisme dans le monde entier en envoyant des takfiris (extrémistes), des armes et des voitures piégées dans les pays musulmans. Ils ont exécuté aujourd’hui le plus honnête homme d’Arabie saoudite », a déclaré Abou Mahdi al-Mohandis, un dirigeant de la coalition paramilitaire chiite Hached al-Chaabi dans un communiqué.
Les adeptes du « takfir », idéologie adoptée par Al-Qaïda, le groupe État islamique et d’autres organisations extrémistes sunnites, qualifient d’infidèles les musulmans qui ne partagent pas leurs croyances. Mohandis entretient des liens étroits avec Téhéran.
Le Hezbollah chiite libanais a pour sa part condamné « un crime haineux (perpétré) sur la base de fausses allégations, de lois corrompues et d’une logique pervertie qui n’a rien à voir avec la justice », selon un communiqué du mouvement. Le groupe, fidèle allié de Téhéran, a également accusé les États-Unis de porter « une responsabilité directe et morale dans ce crime (…) en assurant la protection du régime saoudien et en couvrant ses principaux crimes contre son peuple et les peuples de la région ».
Une figure de proue du mouvement chiite exécuté.
Le cheikh Nimr al-Nimr, 56 ans, virulent critique de la dynastie sunnite des Al-Saoud, a été exécuté samedi en Arabie saoudite avec 46 autres personnes condamnées pour « terrorisme ».
Les condamnés ont été exécutés dans douze villes différentes du royaume, a précisé le ministère de l’Intérieur dans une déclaration relayée par l’agence officielle SPA.
Le cheikh Nimr al-Nimr, 56 ans, virulent critique de la dynastie sunnite des Al-Saoud, a été la figure de proue d’un mouvement de contestation qui avait éclaté en 2011 dans l’est de l’Arabie où vit l’essentiel de la minorité chiite. Cette communauté, qui se concentre dans la province orientale, se plaint d’être marginalisée dans ce pays majoritairement sunnite.
Le cheikh Nimr avait été condamné à mort en octobre 2014 pour « sédition », « désobéissance au souverain » et « port d’armes » par un tribunal de Riyad spécialisé dans les affaires de terrorisme.
L’arrestation de cheikh Nimr en juillet 2012 s’était déroulée de manière mouvementée et deux de ses partisans avaient été tués au cours des manifestations qu’elle avait provoquées.
Parmi les personnes exécutées samedi figurent aussi des sunnites condamnés pour leur implication dans des attentats meurtriers revendiqués par le groupe djihadiste Al-Qaïda en 2003 et 2004, ainsi qu’un Égyptien et un Tchadien. La liste inclut le nom de Fares al-Shuwail que des médias saoudiens ont présenté comme étant un leader religieux d’Al-Qaïda en Arabie saoudite, arrêté en août 2004.
Le 1er décembre, la branche d’Al-Qaïda au Yémen avait menacé de faire « couler le sang » si les autorités saoudiennes décidaient de mettre à mort des djihadistes détenus en Arabie saoudite.
« Nous entendons parler d’exécutions que le gouvernement des Al-Saoud a l’intention de pratiquer contre des frères moudjahidine actuellement détenus. Nous faisons le serment de sacrifier notre propre sang pour sauver le leur », avait affirmé Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa).
Il s’agit des premières exécutions de l’année 2016 dans ce royaume ultraconservateur qui avait exécuté 153 personnes l’année dernière, selon un décompte basé sur des chiffres officiels.