Voici le témoignage de Hervé Cheuzeville qui à vécu en Ouganda :

Il y a 40 ans – Raid sur Entebbe

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a donné son accord de principe pour participer aux commémorations, 40 ans après l’opération Entebbe, où des commandos israéliens avaient libéré — dans la nuit du 3 au 4 juillet 1976, les passagers d’un avion d’Air France qui effectuait un vol Israël / Paris — passagers pris en otage par des terroristes du  » Front Populaire de Libération de la Palestine  » et de  » la Fraction Armée Rouge « . Benjamin Netanyahou rendra à cette occasion hommage à son frère Yoni, tombé au cours de l’opération.

 

Il convient de remonter au 27 juin 1976. Ce jour-là, un airbus A300 d’Air France décolla de l’aéroport Ben Gourion de Tel Aviv avec 248 passagers et 12 membres d’équipage, à destination de Paris. A l’escale d’Athènes, 58 nouveaux passagers embarquèrent. Parmi eux se trouvaient 4 terroristes, deux Allemands et deux Palestiniens. 20 minutes après le décollage, ils prirent le contrôle de l’appareil, contraignant l’équipage à se dérouter vers la Libye.

L’avion se posa à l’aéroport de Benghazi, où il put faire le plein de kérosène. Une passagère qui semblait être sur le point de faire une fausse couche y fut libérée. Après 7 heures au sol dans une chaleur écrasante et sans climatisation, l’Airbus redécolla dans la soirée. A 3 heures et quart du matin, il se posa à Entebbe. Là, 3 autres terroristes palestiniens rejoignirent les premiers. Les passagers furent débarqués et amenés à l’ancien terminal de l’aéroport. Tout cela fut accompli en collaboration avec les militaires ougandais.


C’est peu après l’arrivée dans la salle de l’aérogare qu’eut lieu le tri ignoble des passagers. Les terroristes avaient collecté les passeports des passagers. Tous les Israéliens, ainsi que ceux ayant des noms à consonance juive, furent appelés un à un et envoyé dans une salle adjacente. Le commandant de l’Airbus, Michel Bacos, protesta auprès des terroristes et lui et son équipage rejoignirent les passagers juifs de leur propre initiative. Le 30 juin, un premier groupe de 48 passagers non juifs fut libéré puis, le lendemain, un second, comprenant 100 personnes, elles aussi non juives. Ils furent aussitôt rapatriés à Paris, après que l’équipage eut refusé de les accompagner, préférant rester avec les otages restants.

Pendant toutes ces longues journées d’angoisse se déroulaient des tractations entre Israël d’une part et les terroristes d’autre part, par l’entremise de pays ayant des relations avec l’Ouganda, comme les Etats-Unis et l’Egypte, par exemple. Même l’OLP s’entremit, mais les terroristes refusèrent de rencontrer son envoyé. Baruch Bar-Lev, un officier israélien à la retraite, qui avait bien connu ,Idi Amin Dada le dictateur ougandais, parvint à l’appeler plusieurs fois au téléphone, pour lui demander de faire libérer les otages, en vain. Le détournement était le fait du FPLP, il avait été organisé par son leader Wadie Haddad (1). Les deux Allemands appartenaient quant à eux au groupe terroriste d’extrême gauche Revolutionäre Zellen (Cellules révolutionnaires).

Le chef du commando était d’ailleurs l’un d’eux, un certain Wilfried Böse, né en 1949. Il était accompagné par Brigitte Kuhlmann, une Allemande de Hanovre, née en 1947, membre du même groupe gauchiste clandestin. A un otage israélien rescapé des camps nazis qui lui avait montré le numéro tatoué sur son avant-bras, Böse déclara : « Je ne suis pas un nazi, je suis un idéaliste ! » Le FPLP réclamait, en échange de la libération des passagers, la sortie de prison de 40 Palestiniens détenus en Israël et de 13 autres terroristes détenus en France, en Allemagne, en Suisse et au Kenya. Les terroristes menaçaient de commencer à tuer leurs prisonniers à partir du 1er juillet s’ils n’obtenaient pas satisfaction. L’ultimatum fut ensuite repoussé au 4 juillet, Israël ayant indiqué être prêt à libérer ses 40 détenus. Le gouvernement israélien de l’époque était dirigé par Itzhak Rabin et son ministre de la défense était Shimon Pérès.

En fait, dès les premières heures de la crise, l’Etat hébreu faisait des préparatifs pour monter une opération de sauvetage. Des entrepreneurs israéliens qui avaient construit la nouvelle aérogare d’Entebbe quelques années auparavant fournirent les plans de l’aéroport, ce qui se révéla fort utile pour la préparation de ce qui allait être appelé « Opération Thunderbolt ». Une réplique de l’ancienne aérogare fut même édifiée dans une base israélienne afin de permettre au commando d’élite Sayeret Matkal de préparer l’intervention. Cette unité était commandée par le lieutenant-colonel Yonathan Nethanyahou. L’opération fut placée sous le commandement du général Dan Shomron (2).

Le 3 juillet 1976, 4 Hercules C130 et 2 Boeing décolèrent de la base de Charm el-Cheikh, dans le sud du Sinaï (la péninsule égyptienne était encore occupée par Israël, à l’époque). Une centaine de membres du Sayeret Matkal, appuyés par des hommes de la Brigade d’élite Golani étaient à bord des Hercules. Une Mercedes noire arborant des drapeaux ougandais sur son capot avait été embarquée. Elle ressemblait au véhicule habituellement utilisé par le dictateur ougandais. Le 1er juillet, ce dernier s’était envolé pour un sommet de l’Organisation de l’Unité Africaine devant se tenir à Port Louis. Amin Dada, président sortant de l’organisation panafricaine, devait passer le relai à son successeur désigné, le premier ministre mauricien Seewoosagur Ramgoolam.

La Mercedes noire allait se révéler utile pour duper les militaires ougandais pendant les premières minutes de l’opération : ils crurent au retour inopiné de leur chef. Plus de 3000 kilomètres séparent Charm el-Cheikh d’Entebbe. Ne pouvant survoler l’Egypte et le Soudan, l’itinéraire choisi pour l’opération fut encore plus long. Les six appareils israéliens survolèrent la mer Rouge à très basse altitude afin de ne pas être repérés par les radars des pays arabes riverains, puis le désert éthiopien de l’Ogaden, avant de pénétrer dans l’espace aérien du Kenya, pays qui avait donné son accord. L’un des deux Boeing se posa à l’aéroport de Nairobi, où il resta stationné pendant toute l’opération. Le second Boeing resta en l’air au-dessus d’Entebbe.

Le premier Hercules C130 toucha le tarmac éclairé de l’aéroport d’Entebbe à 23 heures. Aussitôt, la Mercedes en sortit, suivie par deux land-rover identiques à celles qui escortaient habituellement la voiture présidentielle. Les trois véhicules, bourrés de soldats du Sayeret Matkal, se dirigèrent vers le bâtiment de l’ancienne aérogare. Les militaires israéliens pénétrèrent dans la grande salle où étaient détenus les otages. Ils hurlèrent à ces derniers, en hébreu et en anglais, de se coucher sur le sol, tandis qu’ils abattaient les membres du commando terroriste. Les trois derniers furent tués dans une salle voisine. Malheureusement, 3 otages furent tués durant l’échange de coups de feu, dont un jeune Français immigrant en Israël, Jean-Jacques Maimoni, âgé de 19 ans.

Voyageant avec un passeport français, son origine juive n’avait pas été détectée par les terroristes, et il aurait pu être libéré avec les autres passagers, trois jours plus tôt. C’est volontairement qu’il rejoignit le groupe de passagers juifs. Dix autres otages furent blessés. Durant ce bref combat, le reste des militaires débarqué du premier appareil sécurisa la piste d’atterrissage, permettant aux 3 autres Hercules de se poser. Une fois les terroristes éliminés, les passagers furent escortés vers les Hercules. Les soldats ougandais postés sur le toit de l’aérogare et en haut de la tour de contrôle ouvrirent le feu sur les Israéliens, qui ripostèrent.

Une balle blessa mortellement le chef des Sayeret Matkal, Yoni Netanyahou. Il fut la seule victime militaire, côté israélien. Côté ougandais, 45 soldats furent tués. Avant de rembarquer, les militaires israéliens prirent le temps de détruire 4 MIG 17 et 7 MIG 24 de l’armée de l’air ougandaise, afin d’éviter tout risque d’être pris en chasse. Cela accompli, les 4 Hercules purent redécoller. L’opération avait duré 53 minutes seulement. Les appareils se posèrent ensuite à Nairobi, afin d’y faire le plein de kérosène. De là, ils reprirent la route d’Israël, où les ex-otages et leurs sauveteurs reçurent un accueil triomphal

Malheureusement, l’une des otages, Dora Bloch, âgée de 75 ans, n’était pas parmi les passagers libérés.

 

Entebbe

Victime d’un malaise, elle avait été hospitalisée à l’hôpital Mulago de Kampala avant l’intervention israélienne.

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Le lendemain, Amin, rendu fou furieux par la terrible humiliation qu’Israël lui avait infligé, envoya ses sbires la tirer de son lit d’hôpital, pour ensuite l’égorger (3). Il a été rapporté que plusieurs membres du personnel médical ougandais, qui avaient tenté de s’interposer, furent également sommairement exécutés. Le dictateur ougandais s’en prit également à la communauté kenyane d’Ouganda car il ne pardonnait pas au président Jomo Kenyatta d’avoir permis aux avions israéliens de faire escale à Nairobi. Des centaines de citoyens kenyans auraient été massacrés dans les jours qui suivirent le raid israélien. Le 6 juillet 1976 eurent lieu au cimetière militaire du Mont Herzl, à Jérusalem, les obsèques du lieutenant-colonel Yonathan Nethanyahou. Une foule immense y assista. Benjamin, le frère cadet de ce héros mort à 30 ans, a lui aussi servi au sein des Sayeret Matkal. Il est l’actuel premier ministre de l’Etat d’Israël.

Le camouflet infligé au tyran ougandais marqua le début de la fin de son sanglant régime. Dora Bloch ayant la double nationalité israélienne et britannique, le Royaume-Uni rompit ses relations diplomatiques avec l’Ouganda. Ce pays tenta, en vain, d’obtenir une condamnation d’Israël par le Conseil de Sécurité des Nations Unies. Deux ans plus tard, la Tanzanie, avec l’aide de l’opposition armée ougandaise, envahit l’Ouganda et mit l’armée d’Amin en déroute, malgré l’envoi par Kadhafi d’un corps expéditionnaire libyen. Le président à vie dut s’enfuir piteusement, il trouva d’abord refuge en Libye avant de s’établir définitivement à Djeddah, en Arabie Saoudite, où il mourut en 2003.

 


En août 2012, une plaque commémorative fut inaugurée au pied de la tour de contrôle de l’ancienne aérogare, en présence de ministres ougandais et israélien. Les relations entre les deux pays n’ont jamais été aussi bonnes. 39 ans après ce raid audacieux qui inspira plusieurs œuvres cinématographiques, les dirigeants européens devraient s’inspirer de la résolution dont Israël et ses soldats firent preuve, à l’époque, pour faire face au terrorisme, conclut Hervé Cheuzeville

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Notes :

(1) Haddad, fondateur du Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP), né en 1927, est mort en République Démocratique Allemande en 1978. Il serait décédé après une agonie de plusieurs mois. Il avait mangé des chocolats belges préalablement empoisonnés par le Mossad ! Après la fin du communisme, des archives soviétiques ont permis d’établir qu’Haddad travaillait pour le KGB depuis les années 50.

(2) Né à Ashdod en 1937, décédé à Herzliya en 2008. De 1987 à 1991, il fut le 13ème chef d’état-major des Forces de Défense d’Israël.

(3) La triste ironie de cette lamentable histoire est que Madame Bloch était la fille d’un Juif anglais qui, au début du XXe siècle, avait fait partie d’une délégation juive envoyée en Ouganda voir s’il serait possible d’y installer un foyer national pour le peuple juif.

 

 

 

 

Bon comme un citron bien rond !