Au mieux une maladresse, au pire une mauvaise provocation…
Le dessin de Riss qui montre Stromae reprenant son refrain « Papa où t’es ? » entouré de membres déchiquetés par les attentats du 22 mars dernier n’en finit pas de susciter des polémiques. Après la Belgique qui trouve le dessin bête et méchant – mais après tout, n’est-ce pas la ligne éditoriale du journal ? –, c’est au tour de la famille de Stromae de faire part de son malaise. Selon le quotidien belge néerlandophone Het Nieuwsblad, les proches du chanteur seraient extrêmement choqués par cette caricature en raison du drame qui a frappé la jeunesse de l’artiste : son père rwandais a été victime des massacres qui ont ensanglanté le pays en 1994, lors du génocide des Tutsi. Selon le quotidien, la famille de la star s’interroge : les caricaturistes connaissaient-ils la mort épouvantable du père du chanteur, dont le corps aurait été découpé en morceaux ? La une de Charlie prend soudain une résonance intime.
Il apprend la mort de son père vers 12 ans.
Stromae, belge par sa mère et rwandais par son père, a très peu connu son paternel. Selon ses propres confidences, il l’aurait vu une vingtaine de fois tout au plus, puisque son géniteur avait choisi de rejoindre son pays. « On ne s’est vu que quelques fois, a reconnu le chanteur sur le site de Slate Afrique. J’ai seulement une attache avec ma culture rwandaise avec ma tante, la sœur de mon père. » Stromae vit le génocide à travers les bribes de conversations volées aux adultes, qui s’inquiètent pour leurs proches restés au pays. Contrairement au chanteur Corneille, qui a vu le massacre de sa famille sous ses yeux, Stromae apprendra la mort de son père plus tard, vers 12 ans, par sa mère.
« Quand j’ai appris sa mort, des mois après son décès, j’étais plus triste de voir ma tante souffrir d’avoir perdu un frère, que moi d’avoir perdu un père. Je n’en ai pas pleuré, ce n’est pas comme si cela m’atteignait énormément ».
Ce n’est que plus tard qu’il s’intéresse de plus près à ce père disparu et à ses racines africaines, un thème qu’il mettra en chanson dans son fameux tube « Papaoutai ». En 2015, dans le cadre de sa tournée Racine Carrée Tour, il s’arrête à Kigali, au Rwanda, où il prévoit de rencontrer des membres de sa famille paternelle en marge de son concert. Sur scène, il évoque enfin le fantôme de ce père inconnu. « Je ne l’avais jamais fait, mais je crois que c’est l’heure, l’endroit, lance-t-il pendant son show. Pour la première fois, j’aimerais faire une grosse dédicace à mon papa. » Avant de répéter « Merci, papa ! » de nombreuses fois devant ses fans. Comme pour fermer la boucle.
La réponse hilarante des Belges à la une de « Charlie Hebdo »
Les habitants du plat pays ont sorti leurs crayons pour parodier les attentats de janvier en réaction à la une décriée du dernier numéro de « Charlie Hebdo ».
Le sens de l’humour belge n’a décidément rien à envier au nôtre. Alors que le journal Charlie Hebdo a caricaturé les événements tragiques survenus dans la matinée du 22 mars dernier à Bruxelles dans son dernier numéro, les citoyens du plat pays ont répliqué dans la foulée avec une parodie bien sentie des attaques du 7 janvier 2015. Là où le canard français titre « Papa où t’es ? », accompagné d’un dessin du chanteur belge Stromae à qui des morceaux de membres déchiquetés répondent « ici », « là » et « là aussi » signé Riss, le directeur de la rédaction, les Belges répondent « Où est Charlie ? » en hommage aux victimes des attentats de janvier.
L’illustration figure le célèbre personnage éponyme à binocles noirs et pull rayé rouge et blanc devant le drapeau de la France, tandis que Charlie Hebdo a reproduit la bannière belge. Le célèbre héros de bande dessinée sanglote les yeux clos tandis que des extrémités désossées du corps humain virevoltent en arrière-plan, probablement mises en pièces par les balles des frères Kouachi. De bonne guerre, la réponse symbolique des Belges fera sans conteste marrer les journalistes de Charlie Hebdo, arroseurs arrosés.
Bien que fidèle à « l’esprit Charlie Hebdo », ce 1 236e numéro a néanmoins soulevé un tollé sur les réseaux sociaux. Sortie mercredi en kiosque, l’édition de cette semaine a aussitôt été vilipendée par les internautes, visiblement outrés par l’impudeur du journal satirique, lui-même visé par des attaques terroristes l’année dernière. L’allusion manifeste au père de l’auteur-compositeur-interprète bruxellois, tué lors du génocide des Tutsis au Rwanda en 1994, a elle aussi fait un bide. Preuve que l’humour décapant et la liberté de ton ont des limites.