Les Françaises veulent l’égalité.
« Aujourd’hui à 16h34, tweete pour ton salaire – Mais j’ai envie de tout casser, moi ! »
Ce devait être un mouvement en ligne… mais beaucoup veulent plus. Pour protester contre l’inégalité salariale dont elles sont victimes, les femmes sont invitées à arrêter de travailler ou à tweeter, lundi 7 novembre à 16h34.
Le 7 novembre à 16h34, à votre bureau, vous verrez peut être des femmes se lever et partir. Debout. Glorieuses. Comme le nom de la Newsletter qui aura initié leur mouvement. Sur le site, elles expliquent :
« Si les femmes étaient payées autant que les hommes, elles pourraient s’arrêter de travailler le 7 novembre à 16h34. En étant payées 15,1% de moins que les hommes (Eurostat 2010), elles gagneraient alors autant que sur l’année 2016. Les 38,2 jours ouvrés restant représentent la différence de salaire entre les femmes et les hommes. »
Pour les nuls en maths, on peut résumer les choses encore plus simplement. Si les femmes arrêtaient de travailler le 7 novembre, elles récupèreraient alors leur dû. Ces 15,1% d’écart de salaire dont elle se font enfler.
« Le jour de repos des femmes »
L’idée est géniale. On la doit aux Islandaises.Le lundi 24 octobre, elles se sont arrêtées de travailler à 14h38 : 18% de salaire à récupérer de leur côté.
Ce n’est pas la première fois qu’elles procédaient de la sorte. Déjà, en 1975, 90% des femmes s’étaient mises en grève, quittant leur travail à 14h08. Elles ont ensuite recommencé en 2008, à 14h25.
Si l’heure se décale, c’est que l’écart se réduit. Bon, le rapprochement se fait aussi rapidement qu’un escargot ayant fumé un énorme joint, mais normalement, à ce rythme, les Islandaises devraient avoir une égalité salariale effective en 2068.D’ici là, elles continuent donc d’arrêter de travail et c’est le « Kvennafrídagurinn » (« Le jour de repos des femmes »).
Alix Heuer
En découvrant cette initiative, les Glorieuses ont voulu la relayer dans leur newsletter hebdomadaire, mais raconte Alix Heuer, cofondatrice du collectif féministe :
« On était en train de rédiger notre truc tranquillement, et puis on s’est dit : “c’est absurde, venez, on essaye de faire pareil en France.”. »
Les Glorieuses font leurs calculs et s’aperçoivent qu’en France, le mouvement devrait commencer le 7 novembre à 16h34. Elles se veulent féministes, positives et ouvertes à tous. Alors pour faire encore plus de bruit, elles décident de ne pas se cantonner à leur newsletter et lancent un événement Facebook.
A l’heure où nous écrivons cet article :
- près de 6 000 personnes se sont déclarées intéressées ;
- plus de 3 500 annoncent qu’elles participeront ;
- et l’événement a été partagée plus de 29 000 fois.
https://www.facebook.com/events/169712343487629/
Les travailleuses de France veulent l’égalité des salaires !
A partir du 7 novembre prochain à 16h34 (et 7 secondes), les femmes travailleront “bénévolement”. Si les femmes étaient payées comme les hommes, elles devraient, pour toucher le même salaire qu’aujourd’hui, s’arrêter de travailler à ce moment précis.
Nous appelons les femmes, les hommes, les syndicats et les organisations féministes à rejoindre le mouvement du “7 novembre 16h34” et à multiplier les événements et manifestations pour faire de l’inégalité salariale une problématique politique centrale. En s’emparant collectivement de ce sujet, nous montrons que l’inégalité des salaires entre les genres n’est pas une “affaire de bonne femme”.
En savoir plus : http://lesglorieuses.fr/egalite-salaires/
LISTE DES ACTIONS ET MODES D’ACTION:
Rassemblements prévus à partir de 16h30 :
— Paris place de la République
— Blois devant la préfecture
— Bordeaux Tour Pey Berland
— Rennes place de la République
— Nantes Place Royale
— Niort esplanade de la Brêche
— Poitiers place d’armes
— Caen place Saint Sauveur
— Valence place Porte Neuve
— Toulouse place Saint Pierre
Lien de la carte complète, sur laquelle vous pouvez ajouter vos villes :
https://framacarte.org/fr/map/7novembre16h34_6014…
ACTIONS HORS RASSEMBLEMENTS :
— porter du rouge en signe de soutien au mouvement
— changer les photos de profil FB/twitter, et partager les visuels fournis
— Tweeter en synchronisation demain à 16h34 en s’inscrivant sur le Thunderclap :
https://www.thunderclap.it/projects/49347-7novembre16h34…
— Signer et partager la pétition : http://lesglorieuses.fr/egalite-salaires/
N’hésitez pas à nous communiquer vos initiatives pour que nous mettions à jour cette liste.
« On se lève et on part la tête haute ? »
Sur la page, en regardant les messages postés, on sent un bouillonnement. Tout le monde est dans les startings blocks mais il va de soi pour chacune que personne ne s’arrêtera vraiment de travailler du 7 novembre au 31 décembre.
L’idée est bonne, mais comment la mettre en œuvre ?
Adeline, une communicante de 35 ans, demande ainsi :
« Hey les ami.es ! Y a t-il un rassemblement #7NOVEMBRE16H34 ? Et question pratique : on se lève sans mot dire et on part la tête haute, ou on prévient son employeur le poing levé et un mail argumenté ? »
Ce n’était pas l’idée des Glorieuses au départ. Alix Heuer, explique que le collectif a reçu plus de 800 mails et aussi des coups de fil. On leur demande notamment beaucoup si elles appellent à la grève ou au débrayage.
La jeune femme rappelle à chaque fois que les Glorieuses ne sont pas habilitées à le faire. Pour être valable, une grève doit (entre autres choses)être le fruit d’une concertation des salariés, donc d’une volonté collective. Sinon le mouvement est considéré comme illicite.
Une manif en ligne.
Et puis développe la cofondatrice du collectif :
« On voulait que chacun participe selon ses moyens. D’autant qu’on ne peut pas demander aux femmes de quitter leur travail à 16h34. Ce serait presque indécent de dire ça à des travailleuses précaire notamment qui ne peuvent pas se le permettre et on s’adresse à tout le monde.
Nous ce qu’on veut simplement c’est que chacun s’empare de la question. Il y a tout de même encore des gens pour nous écrire que les inégalités salariales n’existent pas… »
Voici donc ce que les Glorieuses avaient imaginé pour 16h34, lundi : un thunder clap. Cette plateforme permet de planifier en masse des tweets et des posts Facebook à un instant T. L’idée est simple : organiser des manifs virtuelles. A 16h34, les Glorieuses avaient dont imaginé que toutes les femmes sensibles à leur cause, tweeteraient ceci :
« Les travailleuses de France veulent l’égalité des salaires #7NOVEMBRE16H34 http://thndr.me/gEXCz7 »
Partir. Sans que personne ne s’en aperçoive.
Quand je lui explique cela au téléphone, Adeline (celle qui sur Facebook se posait tout un tas de questions) réagit :
« Ah bon, c’est tout ? Mais, je voulais tout casser moi. »
Elle parle de son boss peu sensible aux questions féministes, se demande si elle doit lui parler, lui dire « bon bah salut » à 16h34. Elle remarque que, de toute manière, son absence passerait inaperçue. Elle juge cette désorganisation et cette solitude assez symptomatiques.
« C’est le problème des filles qui vivent chacune leur oppression de leur côté. Ça me fait penser à ma belle-sœur qui me raconte parfois des trucs super sexistes qui lui sont arrivés en disant : “Oh ! Il m’est arrivé ça”, mais ce ne sont pas des hasards, le sexisme est systémique. »
Adeline veut donc plus qu’un tweet. Le Français aime sortir dans la rue. La Française aussi et Adeline rêve d’un rassemblement de masse (« c’est ce qui m’importe le plus »). Elle n’est pas seule. Sur l’événement Facebok, les femmes trépignent :
« Un rassemblement de prévu à Strasbourg ? »
« Bonjour, Savez-vous s’il y aura une manifestation lundi à Toulouse pour dénoncer les inégalités salariales ? Merci. »
« Bonjour, où trouver des infos sur l’évènement de Nantes ? Merci. »
« Quelqu’un sait s’il y a quelque chose de prévu à Reims ? »
« Bonsoir ! Y a-t-il un rassemblement sur Lyon ? Merci. »
C’est amusant. On a l’impression de faire un tour de France en deux minutes. Et même du monde.
« Bonjour. J’aimerais rejoindre ou organiser un rassemblement a San Francisco. Eh oui l’inégalité salariale n’a pas de frontière hélas. Y a-t-il des personnes concernées dans ce groupe ? »
S’habiller en rouge.
Les Glorieuses voulaient faire du bruit, les voilà au milieu d’un vacarme. Alors, elles ne sont pas mécontentes de voir des associations et d’autres mouvements prendre le relais de leur idée.
Nuit debout et Les Effronté-e-s notamment appellent à plusieurs rassemblements IRL se réjouit Alix Heuer.
« Ils ont une vraie expertise qu’on n’a pas. […] Et toutes les mobilisations sont bonnes à prendre. »
Autre initiative imaginée par Le salon des dames (qui se définit comme un « mouvement girlpower ») : proposer aux femmes mobilisées de s’habiller en rouge, pour être visible.
« Bonne révolution ! »
C’est par le biais de cette idée que Jeanne (son prénom a été changé) a découvert le mouvement du 7 novembre. Pour cette journaliste salariée d’une petite locale, la mobilisation est l’occasion d’une réflexion plus générale sur le sexisme en entreprise.
« Moi je bosse dans un média où il n’y a pas de femme chef et où les hommes ont des progressions salariales plus rapides. »
Pour autant, Jeanne ne pourra pas quitter son poste à 16h34 :
« On doit sortir un canard et je ne veux pas mettre mes collègues dans la merde. »
Va donc pour le tweet et le rouge ! J’ai dit à Jeanne que je ferai de même et que j’irai sûrement au rassemblement parisien.
Elle raccroche le téléphone un sourire dans la voix, en me souhaitant une « bonne révolution », comme on se dit « joyeux noël » le 25 décembre. On dirait qu’il se passe un truc.