Le géant américain change de nom et se restructure. Pourquoi Alphabet, pourquoi avoir choisi un paradis fiscal, est-ce un tournant crucial…? Autant de questions pour comprendre les enjeux de cette réorganisation.
Le géant américain se réorganise. Il veut séparer les activités immédiatement rentables des activités dont la rentabilité est plus éloignée. Google proprement dit gardera le moteur de recherche, la cartographie, les applis, YouTube, Android et, surtout, la régie publicitaire, cette dernière représentant l’essentiel de son chiffre d’affaires.
Google sera intégré à une nouvelle société baptisée « Alphabet » qui s’occupera des autres activités comme Calico (Santé), Life Science (les lentilles de contact qui mesurent le glucose), Nest (alarmes connectées), Fiber (réseau à très haut débit), les robots et le X-Lab d’où sortent les idées les plus folles comme les voitures sans chauffeur, les drones ou encore le projet Loon de relais-internet par montgolfières.
Voici les sept questions à se poser après l’annonce de la refonte de cette vaste et complexe structure qu’est Google.
1/Qu’est-ce qu’Alphabet?
« Qu’est-ce qu’Alphabet ? interroge Larry Page, Alphabet est essentiellement un ensemble de sociétés. La plus grosse est évidemment Google ». Larry Page, co-fondateur de Google, sera le directeur général de la nouvelle entité, tandis que Sergeï Brin, l’autre co-fondateur, en sera le président. Eric Schmidt, prendra la tête du conseil d’administration en tant que président exécutif (Chairman). Sundar Pichai devient de son côté directeur général du « nouveau Google ».
2/Est-ce un tournant crucial?
Le tournant est crucial pour Google. Officiellement, cette réorganisation vise à donner une plus grande indépendance aux différentes compagnies du groupe. En clair, plus question pour Google de continuer à abriter toutes les tentatives, plus ou moins réussies, sortant des bureaux de R&D. « Les entreprises d’Alphabet devront avoir leur indépendance et développer leurs propres marques », résume Larry Page.
3/Une nouvelle entité pour éviter les échecs?
L’entreprise veut à la fois continuer à innover, à lancer des programmes très audacieux mais ne veut plus que son nom soit associé aux inévitables échecs, comme ceux de Google+ ou des lunettes Google. Si des projets échouent, ils meurent mais ne doivent pas entamer la réputation du moteur de recherche et surtout de la publicité qu’il rapporte.
4/Google était-il trop gros?
Par ailleurs, Google était devenu trop gros. Du coup, il avait du mal à garder ses talents. La nouvelle organisation devrait permettre de créer des baronnies, un peu comme dans Game of Thrones, pour s’assurer de la loyauté des gens les plus brillants. Au lieu d’être perdu dans une vaste organisation, ils seront président ou directeur général d’une société plus petite, autonome et directement rattachée à Alphabet. Ils porteront aussi la responsabilité d’un projet, les lauriers en cas de succès et le blâme en cas d’échec.
5/ Pourquoi les investisseurs applaudissent?
Les marchés ont réagi très favorablement. Dans les échanges électroniques suivant la clôture de Wall Street, Google a grimpé de 5% à l’annonce de la réorganisation. Le sentiment général était en effet que les activités annexes pesaient sur les performances du groupe. Alphabet devrait présenter à l’avenir des comptes séparés pour Google et les autres entreprises du groupe. Sur le plan boursier, toutes les actions Google seront transformées en titre Alphabet qui restera coté au Nasdaq. La date du changement n’a en revanche pas été précisée.
6/ Pourquoi le Delaware?
Selon la presse anglo-saxonne, Alphabet a été immatriculé dans le Delaware. Rien de surprenant, le Delaware est un état des Etats-Unis qui pratique depuis des années une politique de dumping fiscal et autorise la création d’entreprise sans y regarder de trop près. On y voit donc fleurir des entreprises qui ne sont que des boîtes postales sans aucun bureau dans l’état et dont le nom du propriétaire est inconnu. Selon BFMTV, les bénéfices issus de biens immatériels, notamment les brevets et les droits des marques, ne sont pas taxés. Bref, le Delaware est un paradis fiscal.
Google, créé en Californie en 1998, a opté pour une immatriculation dans le Delaware, en 2003, juste avant son introduction en bourse. La motivation n’était pas uniquement fiscale : le Delaware permet également d’émettre des actions avec des droits de vote différents. Sergueï Brin et Larry Page, avec seulement 13% du capital, détiennent 55% des droits de vote de Google. Il y a fort à parier qu’ils utiliseront cette possibilité pour conserver la majorité des voix au sein d’Alphabet.
7/ Pourquoi BMW est-il furieux?
Mais les deux fondateurs vont peut-être regretter d’avoir choisi le nom d’Alphabet pour leur nouvelle entité. C’est en effet le nom d’une filiale de BMW spécialisée dans la location de voitures aux entreprises. Le constructeur automobile allemand a indiqué qu’il n’avait pas l’intention de vendre le nom du domaine et qu’il n’avait pas été mis au courant de la création d’Alphabet par Google. Selon la loi américaine, deux entreprises peuvent parfaitement avoir le même nom, à condition que cela ne crée pas de confusion dans l’esprit des consommateurs.
Dans le cas de BMW et de Google, si les métiers des deux entreprises sont fondamentalement différents, le risque de confusion n’en existe pas moins : le géant américain propose des versions d’Android pour automobile et poursuit ses efforts de R&D dans les voitures sans chauffeur. La question reste donc en suspens et l’adresse web d’Alphabet est pour l’instant abc.xyz.
Google pourrait devoir changer le nom d’Alphabet, propriété de BMW
Le géant du Web Google a annoncé ce lundi qu’il deviendrait prochainement une filiale d’un conglomérat baptisé « Alphabet ». Mais BMW a annoncé ce mardi détenir ce nom pour l’une de ses filiales.
Un porte-parole de BMW a indiqué que le groupe examine s’il y a la moindre implication en matière de marques déposées et a précisé que le groupe automobile allemand ne prévoyait pas, pour l’instant d’intenter de procédure judiciaire à l’encontre du géant du Web. La filiale de BMW appelé Alphabet est un prestataire de services pour les sociétés clientes de BMW, qui est installé au sein de 18 pays et représente un parc de 530 000 véhicules. Tant que Google n’utilise pas ce nom pour commercialiser des produits, BMW ne devrait visiblement pas engager de procédure judiciaire.
Même si le constructeur automobile allemand BMW n’engage pas de poursuites à l’encontre du géant américain de l’Internet, le groupe estime tout de même que l’utilisation de la marque « Alphabet » pourrait porter préjudice à ses activités. Les filiales de BMW disposent du nom de domaine « alphabet.com ». Cette affaire paraît tout de même surprenante. Les grands groupes comme Google évitent en général de prendre des noms existants déjà, pour éviter des problèmes avec d’autres grandes marques. Ce lundi, l’ensemble des sociétés qui comportent le mot « Alphabet » dans leur nom se sont posées la question de savoir si la création de cette holding par Google leur était profitable ou pas. De nombreuses sociétés ont répondu négativement indiquant que c’est du vol de marque !