Les Gazaouis fustigent la décision du Hamas d’interdire les célébrations du Nouvel an.
Le 30 décembre 2015, les forces de police du Hamas ont annoncé l’interdiction des célébrations du Nouvel an dans les restaurants, les hôtels et les cafés de la bande de Gaza.
Le porte-parole de la police, Ayman al-Batniji, a expliqué que cette interdiction visait “à minimiser autant que possible les phénomènes qui transgressent la tradition, les coutumes, valeurs et directives islamiques” et à faire preuve de solidarité envers les martyrs de ‘l’Intifada d’Al-Quds’ en évitant les célébrations. »
Il a condamné ceux qui “projettent de célébrer le Nouvel an alors que le peuple palestinien subit des privations, un siège suffocant et la perte de martyrs de l’Intifada ».
Les restaurateurs de Gaza ont exprimé leur mécontentement suite à l’interdiction, qui leur causera une perte financière, en particulier dans un contexte où le Hamas a récemment augmenté les impôts sur leurs commerces.
L’interdiction a aussi suscité de vives critiques de résidents de Gaza, qui ont exprimé leurs plaintes sur les réseaux sociaux, et de personnages publics, dont un membre du Parti du peuple palestinien, qui a conseillé aux membres du Hamas de renoncer à leurs voitures et d’enfourcher des ânes.
On trouvera ci-dessous des exemples de critiques formulées à l’égard du Hamas.
Dans un post publié sur sa page Facebook, l’activiste des droits de l’Homme Mustafa Ibrahim accuse le Hamas de faire preuve d’hypocrisie et de ne pas tenir compte des souhaits des résidents de Gaza :
“Le Hamas nous réserve chaque jour une nouvelle surprise, et à la fin de l’année, il tient à apporter de l’eau au moulin de ses violations passées des droits de l’Homme. Cherchant tout ce qui peut nous porter préjudice, à nous et à lui, il se cramponne à ses coutumes et à son patrimoine, qu’il tente d’imposer et de respecter au nom de la religion, et s’en prend aux libertés publiques. A l’Occident, il dit : ‘nous sommes un mouvement islamique modéré’, mais dans la sphère intérieure, il affirme à ses membres qu’il gouverne [la bande de Gaza] sur le fondement du droit musulman, et non du droit civil, et qu’il pourrait même mettre en application les punitions coraniques… Son argumentation [d’avoir interdit les célébrations du Nouvel an en raison] du siège et des martyrs est infondée. Le Hamas est le dernier en droit de parler du siège. C’est lui qui se soucie des apparences et fait preuve d’arrogance et qui n’accorde pas le moindre poids au siège [lui-même, sinon] pour crier à l’aide. Durant toute notre vie nous avons sacrifié des martyrs, mais [aussi] célébré [le Nouvel an]. [En outre], de combien de fêtards parlons-nous ? En apprenant la décision du Hamas [d’interdire les célébrations], on pourrait penser que des dizaines de milliers de personnes célèbrent [cette fête à Gaza]. D’ailleurs, le fait de célébrer le Nouvel an n’est pas une affaire de religion, mais une tradition de l’humanité tout entière. C’est comme si nous ne faisions pas partie du monde, ou comme si nous avions perdu notre humanité.”
Le post de Mustafa Ibrahim
Le post d’Ibrahim a suscité de nombreuses réactions sur sa page Facebook. Un internaute, Mohamed Weshah, a répondu ainsi :
“Vous avez entièrement raison. L’islam est devenu un écran de fumée utilisé pour justifier des opinions [politiques]. »
Un autre, Adnan Al-Laham d’Egypte, a réagi : “Mon frère, célèbre la tradition internationale comme tu le veux, mais arrête tes critiques exagérées contre le Hamas. De quelles atteintes aux droits de l’Homme tu parles ?”
Un troisième a répondu à Al-Laham, disant : “Nous n’avons pas besoin des critiques de quelqu’un qui vit en dehors de Gaza. Viens à Gaza et vois comment nous vivons sous la domination du Hamas, et après tu pourras parler. »
Réagissant au post d’Ibrahim, certains internautes ont publié une photo montrant des responsables du Hamas, parmi lesquels Abu Marzouq, devant un arbre de Noël et un Père Noël, au cours d’une visite à l’église Saint Porphyre de Gaza, l’an dernier.
En fait, de nombreux Palestiniens ont publié cette photo sur les réseaux sociaux pour montrer l’hypocrisie des responsables du Hamas, qui ont participé aux festivités du Nouvel an mais interdisent au public et aux restaurateurs de célébrer.
S’exprimant sur le site Amad, un certain Yasser Al-Najjar interroge avec sarcasme ; “Le Père Noël est-il un membre des Frères musulmans ?” Abu Ahmad Al-Dweik critique les responsables du Hamas pour avoir visité l’église, écrivant qu’il “est interdit de participer aux festivités des Croisés pendant leurs fêtes, car ils prétendent que Jésus était le fils de Dieu et participer à leurs fêtes est un acte de soutien à leur foi”.
Un membre du Parti du peuple palestinien : Arrêtez d’imiter l’Etat islamique.
Nafez Ghneim, membre haut placé du Parti du peuple palestinien (PPP), accuse le Hamas de violer les libertés publiques et individuelles sous prétexte de minimiser l’influence occidentale sur la vie des résidents de Gaza, ajoutant :
“Pourquoi des gens décrivent certaines [coutumes] comme une tradition occidentale qui serait contraire à la tradition de la société [musulmane] ? Si c’est le cas, ils devraient sortir de leurs voitures et enfourcher un âne, ou bien briser leurs téléphones portables et revenir aux modes de communication antiques. Ils devraient aussi s’abstenir de suivre la mode occidentale ou de l’imiter. Ils devraient brûler leurs costumes et cravates et revenir aux robes et aux sabots de bois.”
Il interroge :
“Les compagnies d’assurance ne sont-elles pas une imitation de l’Occident ? Le commerce des cigarettes et l’imposition de taxes ne sont-ils pas une imitation de l’Occident ? Et que dire des sites touristiques gérés et contrôlés par tous ceux qui gouvernent la bande de Gaza…?”
Nafez Ghneim et l’emblême du PPP
Et d’ajouter :
“Il n’y aura modestie que lorsqu’il y aura justice, lorsque les pauvres pourront gagner leur croûte de pain dans la dignité, lorsque le peuple jouira de la liberté dans le cadre de la loi et que tous les hommes seront égaux devant la loi. C’est seulement à ce moment-là que les célébrations seront douces, alors qu’aujourd’hui la joie que chacun cherche n’est qu’une échappatoire à une vie infernale, et malgré cela, [ceux qui veulent célébrer] sont persécutés sous prétexte qu’ils imitent l’Occident et qu’ils s’écartent des traditions sociales.”
Ghneim exhorte les autorités de Gaza à laisser les gens en paix et à cesser de vouloir modeler la société, petit à petit, à l’image de l’EI.
Il les appelle à trouver des moyens de rendre aux Gazaouis leur dignité, et à revenir aux racines de la pauvreté, du désespoir et de la frustration ressentis dans chaque foyer de Gaza.