Le régime de Pyongyang promet des attaques contre la Corée du Sud et les Etats-Unis, qui ont démarré des manœuvres militaires dans un climat dégradé dans la péninsule.
La Corée du Nord ne manque jamais une occasion d’annoncer l’anéantissement des Etats-Unis et des «laquais fantoches du Sud». Elle n’a pas failli ce lundi à sa rhétorique belliqueuse en poussant toutefois un peu plus loin les curseurs de la tension sur la péninsule. Au moment où démarrent les exercices militaires sud-coréano-américains «Key Resolve» et «Foal Eagle», elle a menacé d’entrer «dans une offensive totale contre la frénésie de guerre atomique menée par les Etats-Unis et les forces alignées». Dans son communiqué, la puissante Commission de la défense nationale n’écarte pas la possibilité de «frappes nucléaires à l’aveugle» pour réduire ses ennemis à des «océans de flammes et de cendres en un instant». Jadis, elle voulait transformer Séoul en «mer de feu».
17 000 GI et 300 000 soldats sud-coréens
Chaque année, Américains et Sud-Coréens se retrouvent pour des entraînements militaires géants et des simulations par ordinateur. Pas moins de 17 000 GI et 300 000 soldats sud-coréens vont être mobilisés jusqu’au 30 avril, ainsi que d’importants moyens américains comme le porte-avions USS John C. Stennis, des bombardiers furtifs B-2, un sous-marin à propulsion nucléaire et des avions ravitailleurs. Des exercices de débarquement sur la côte Est de la Corée du Sud seront organisés pour s’entraîner à des «opérations d’infiltration forcée», a précisé le commandement conjoint lundi. Séoul a indiqué qu’il n’avait jamais déployé autant de moyens et d’hommes.
Ces manœuvres annuelles grandeur nature ont le don d’agacer Pyongyang qui y voit un prélude à une invasion de son territoire. Et vitupère contre elles avec constance et force contre ces atteintes à son «droit d’indépendance» et à sa «dignité». Cette année, elles interviennent dans un climat particulièrement dégradé. La Corée du Nord semble réagir vivement à des informations de presse sud-coréennes faisant état de simulations de frappe de ses installations nucléaires et balistiques lors des opérations conjointes. Surtout, «Key Resolve» et «Foal Eagle» se déroulent après que le régime du Nord a procédé à un essai nucléaire le 6 janvier, puis à un tir de fusée, le 7 février, bafouant toutes les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies votées depuis plus 1993. Séoul et Washington entendent opérer une démonstration de force après les agissements de Pyongyang.
L’essai et le tir nord-coréen viennent d’être unanimement condamnés par le vote de la résolution 2270, laborieusement négociée entre les Etats-Unis et la Chine pendant près de deux mois. Pour la première fois, les pays membres de l’ONU seront tenus d’inspecter toutes les marchandises en provenance et à destination de la Corée du Nord, dans les ports comme dans les aéroports. Si la résolution est respectée, notamment par Pékin, premier partenaire commercial de Pyongyang, elle pourrait accroître la pression économique et fragiliser le clan Kim au pouvoir. Pour l’instant, les précédents textes n’ont jamais empêché les Nord-Coréens de perfectionner leurs missiles et leurs bombes nucléaires pour mieux maîtriser la logique de dissuasion.
Résolution 2270 «digne de bandits»
En réponse à ces nouvelles sanctions, le régime du Nord avait procédé, jeudi, à une série de tirs de projectiles à courte portée. Le lendemain, fustigeant une résolution «digne de bandits», le leader Kim Jong-un s’était dit prêt à «utiliser à chaque instant [notre] arsenal nucléaire» pour «annihiler l’ennemi avec leur regain de fureur», selon l’agence officielle KCNA.
L’emploi de cette rhétorique guerrière vise à renforcer la cohésion autour du leader et de la défense du pays, avancent des experts dans les milieux de la défense en Corée du Sud. Elle pourrait également refléter un besoin d’union au sein du régime avant l’ouverture en mai du congrès du Parti du travail qui ne s’est pas réuni depuis 1980. Elle chercherait enfin à obtenir des concessions de ses adversaires.
Même si Pyongyang a augmenté, perfectionné son arsenal, constituant un «vrai danger», les spécialistes doutent des réelles capacités du Nord à maîtriser complètement la technologie des missiles, notamment la rentrée dans l’atmosphère, après la phase de vol balistique, qui serait nécessaire pour toucher un territoire aussi lointain que les Etats-Unis.
Rien n’indique que le climat va s’apaiser dans les jours qui viennent. Demain, la Corée du Sud doit annoncer unilatéralement un nouveau train de sanctions à l’encontre de son frère ennemi. Au risque de susciter une escalade au moins verbale.