Avant de se suicider dans sa cellule, le migrant syrien arrêté pour préparation d’acte terroriste avait été capturé et signalé aux autorités par quelques-uns de ses compatriotes. Les « bons » Syriens neutralisent le méchant : voici la belle histoire que (se) racontent les autorités allemandes…
Pendant le week-end des 8 et 9 octobre, l’Allemagne a été tenue en haleine par une chasse à l’homme visant Jaber al Bakr, 22 ans, un demandeur d’asile syrien arrivé en Allemagne en janvier 2015. Cet homme était, depuis quelques semaines, sous étroite surveillance des services de renseignements et de police antiterroriste de la République fédérale. Ces derniers étaient informés que des terroristes liés à Daech planifiaient un attentat de grande ampleur en Allemagne, et al Bakr avait été repéré comme un internaute visitant régulièrement les sites expliquant les modes de fabrication d’engins explosifs. Installé dans la région de Chemnitz, en Saxe, l’individu est mis sous surveillance rapprochée, observé jour et nuit par des policiers spécialisés.
Chasse à l’homme.
Lorsque l’un d’entre eux, début octobre, le voit sortir d’une droguerie avec un tube de colle à l’acétone, c’est la panique et le branle-bas de combat. Cette substance est nécessaire à la confection du peroxyde d’acétone, désigné aussi par l’acronyme TATP, un explosif couramment utilisé par les tueurs djihadistes : il a utilisé pour les ceintures d’explosifs des auteurs des attentats du Bataclan et de Bruxelles. Une perquisition opérée dans l’appartement de Chemnitz qu’il partage avec son compatriote, Khalil A. 33 ans confirme les soupçons : 1,5 kilos de TATP sont découverts sur les lieux, le complice est arrêté, mais Jaber al Bakr a pris la poudre d’escampette. Un avis de recherche est diffusé dans tout le pays, et la police met en place des souricières dans tous les endroits où il est susceptible de se rendre. Il est signalé dans la nuit du 7 au 8 octobre dans un immeuble où il avait logé peu de temps auparavant, mais la police arrive trop tard, al Bakr s’est encore évaporé.
Le fugitif a réussi prendre un train pour Leipzig, grande ville distante de 80 kilomètres de Chemnitz. Arrivé en gare, il se connecte sur le réseau social mis en place par l’amicale des Syriens en Allemagne, et se présente comme un compatriote recherchant d’urgence un hébergement, car il aurait un rendez-vous d’embauche le lendemain. Son appel est entendu par Mohammed A., un jeune Syrien, qui se rend avec deux amis à la gare centrale de Leipzig pour récupérer al Bakr, et organiser sa prise en charge. Ils vont d’abord manger chez l’un d’entre eux, et après ce repas convivial, les trois hommes vont terminer la soirée chez Mohammed A., où al Bakr doit passer la nuit. Avant d’aller se coucher, ce dernier demande à son hôte de lui raser sa chevelure un peu trop abondante, qui risque, selon lui, d’indisposer son potentiel employeur. Mohammed s’exécute d’autant plus volontiers qu’il exerçait, avant de fuir son pays, l’honorable profession de barbier…
Le barbier de Leipzig.
Avant d’aller dormir, Mohammed jette un dernier coup d’œil, sur son I-phone, à l’appli syrienne à laquelle il doit la présence d’al Bakr sous son toit. Celle-ci s’est enrichie d’un post reproduisant l’avis de recherche d’al Bakr, et Mohammed reconnaît immédiatement l’homme qui s’endort sur son canapé. Mohammed fait alors preuve d’un sang-froid extraordinaire ; il ne panique pas, mais prend contact avec ses amis pour leur dire de revenir d’urgence à son appartement. Dès leur arrivée, Al Bakr est brutalement tiré des bras de Morphée par trois solides gaillards qui le maîtrisent et le ligotent avec les seuls liens dont ils disposent, une rallonge électrique, et téléphonent à la police. Le contact téléphonique est plutôt laborieux, en raison des barrières linguistiques entravant la compréhension entre le pandore saxon de permanence, et le demandeur d’asile peu versé dans la langue de Goethe. Les Syriens décident alors que l’un d’entre eux se rendra au commissariat avec la photo d’al Bakr ligoté : une bonne photo vaut mieux qu’un mauvais discours. La police comprend enfin que l’affaire est sérieuse : toutes sirènes hurlantes, les flics se rendent en masse dans le faubourg de Leipzig où se situe le logement de Mohammed, et cueillent tranquillement l’homme le plus recherché d’Allemagne.
Pour les autorités, c’est pain bénit en matière de com’ : la presse populaire commençait à s’énerver de voir la police incapable de « serrer » un terroriste en cavale, et l’opposition de droite au gouvernement
Merkel se voyait confortée dans ses accusations d’incompétence dans la lutte contre les terroristes. En accueillant massivement les réfugiés syriens, le gouvernement avait permis, selon ces critiques, aux loups terroristes d’entrer dans la bergerie germanique. Bingo ! Les « bons » Syriens neutralisent le méchant ! La morale merkelienne est sauve ! L’héroïsme de Mohammed A. et ses amis est monté en épingle par les responsables politiques, et ce dernier donne des entretiens aux médias pour raconter leurs exploits, avant de réaliser, mais un peu tard, que cette mise en lumière pourrait lui valoir quelques désagréments avec les amis d’al Bakr, qui ne passent pas pour des tendres avec les « balances ». Même si ni son nom complet, ni son visage n’ont été révélés lors de ses prestations médiatiques, les indications le concernant apparues dans la presse ne devraient pas rendre trop difficile à d’éventuels égorgeurs de retrouver sa trace… La sagesse eût voulu que les circonstances de l’arrestation ne soient pas révélées, mais un politicien peut-il résister à la tentation de faire un bon coup ? Angela marque un point dans l’opinion, mais il n’est pas certain que Mohammed et ses amis y trouvent leur compte…
Mais avaient-ils le choix ? Laisser filer al Bakr auraient fait d’eux des complices, et détruit leur projet d’insertion en Allemagne dans le cas, très probable, où la police aurait remonté le fil de son itinéraire de cavale. Dans la nuit de mercredi à jeudi 13 octobre, le « détenu le plus surveillé d’Allemagne » se suicide par pendaison dans sa cellule de la prison de Leipzig, privant les enquêteurs des indications qu’il aurait pu donner sur ses objectifs et son éventuel réseau terroriste. La polémique est relancée, et quelques mauvaises langues d’outre-Rhin estiment qu’il aurait été plus judicieux de laisser al Bakr à la garde de se dénonciateurs. Il n’y a pas de morale dans cette histoire !
Jaber Al-bakr s’est suicidé dans l’hôpital de la prison.
Le Syrien Jaber Al-bakr, soupçonné d’avoir voulu commettre un attentat contre un aéroport à Berlin et arrêté lundi après une chasse à l’homme de 48 heures, s’est suicidé en prison, ont annoncé mercredi soir les autorités locales.

« Jaber Al-bakr s’est donné la mort dans l’hôpital de la prison de Leipzig », a indiqué dans un communiqué le gouvernement régional de Saxe (est), sans donner plus de détail. Selon le site internet du journal Bild et l’agence de presse dpa, le suspect a été retrouvé pendu dans sa cellule. Il avait été incarcéré lundi dans la ville où il avait été arrêté un peu plus tôt.
Etat islamique.
L’homme, soupçonné d’avoir agi pour le compte du groupe Etat islamique, avait été livré à la police dans la nuit de dimanche à lundi par trois de ses compatriotes qui l’avaient hébergé avant de le dénoncer. Selon Bild, Jaber Al-bakr, 22 ans, a déclaré lors de ses premiers interrogatoires que ces trois réfugiés syriens étaient au courant de ses projets d’attentat. Toutefois, les autorités restent prudentes face à ces accusations, n’excluant pas un acte de vengeance. Sa mort en prison va soulever des interrogations quant à la surveillance dont il faisait l’objet. Selon Bild, sa cellule était contrôlée une fois par heure.

Fuite.
Surveillé depuis quelque temps par les services de renseignement intérieur, Jaber Al-bakr avait déjà réussi à s’enfuir samedi matin de son appartement de Chemnitz, ville voisine de Leipzig dans l’Etat régional de Saxe, au moment où la police était venue l’interpeller. Ce qui avait déclenché une première polémique. Malgré un tir de semonce des forces de l’ordre, l’homme était parvenu à prendre la fuite et n’avait été retrouvé que 48 heures plus tard.

Explosifs.
Les forces de l’ordre avaient trouvé 1,5 kilo d’explosifs dans le logement qu’il occupait à Leipzig. Selon les premiers éléments de l’enquête, il était très proche de commettre un attentat contre un aéroport de Berlin pour le compte de l’organisation Etat islamique. Il était en mesure de passer à l’acte dans le courant de cette semaine, a indiqué le patron du renseignement intérieur, Hans-Georg Maassen, au quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung à paraître jeudi.

Séjour en Turquie.
Selon l’hebdomadaire Der Spiegel et le quotidien Die Welt, Al-bakr a passé « plusieurs mois » en Turquie d’où il serait revenu « fin août » avec une « grande quantité de dollars en billets de banque ».
Attentat déjoué en Allemagne: des matériaux « hautement explosifs » retrouvés.
« Plusieurs centaines de grammes » d’une « substance très dangereuse qui ne peut être transportée sans précaution » ont été retrouvés dans cet appartement, a précisé le porte-parole de la police de Saxe.
Des matériaux « hautement explosifs » ont été retrouvés samedi par la police allemande à Chemnitz (est) dans l’appartement d’un Syrien, soupçonné de préparer un attentat à la bombe et qui est en fuite, a indiqué la police locale.
« Plusieurs centaines de grammes » d’une « substance très dangereuse qui ne peut être transportée sans précaution » ont été retrouvés dans cet appartement, a précisé le porte-parole de la police de Saxe, Tom Bernhardt.
La police a interpellé trois personnes, deux près de la gare et une troisième en centre-ville.
« Il s’agit de connaissances du suspect recherché qui ont été interpellées et placées en garde à vue », a indiqué M. Bernhardt, précisant qu’elles étaient actuellement interrogées.
Avis de recherche contre un Syrien de 22 ans.
La police de Saxe a diffusé un avis de recherche concernant Jaber Albakr, ce Syrien né en janvier 1994, vêtu d’un « sweat à capuche noir orné d’un gros motif » et « soupçonné de préparation d’un attentat à la bombe ».
Ce projet d’attentat pourrait avoir « une motivation islamiste », selon des sources proches de la police.
Arrivé en Allemagne l’année dernière.
Jaber Albakr est arrivé en Allemagne l’année dernière comme réfugié et se trouvait sous la surveillance des renseignements intérieurs depuis un certain temps, affirme le site internet Focus online, qui cite des sources des services de sécurité.
Il serait soupçonné d’avoir préparé un attentat à la bombe visant un aéroport allemand, d’après Focus online.

Jaber al-Bakr ne présentait pas un risque suicidaire « imminent ».
Le Syrien Jaber al-Bakr, qui s’est suicidé mercredi soir en prison deux jours après son arrestation pour soupçons de préparation d’un attentat en Allemagne, ne présentait pas de risque de suicide « imminent », ont déclaré jeudi les autorités de Saxe (est).

Rolf Jakob, patron des autorités pénitentiaires de Leipzig.
Le suspect avait été jugé « calme » par un psychologue « expérimenté » qui s’était entretenu avec lui, a expliqué le patron des autorités pénitentiaires Rolf Jakob lors d’une conférence de presse. Bien que le juge ait considéré que Jaber al-Bakr présentait un risque suicidaire, les autorités pénitentiaires n’ont donc pas détecté de « danger de suicide imminent », a précisé M. Jacob.
Alexander Hübner, l’avocat désigné de Jaber al-Bakr.
Surveillance.
C’est pourquoi le degré de surveillance du suspect est passé d’un contrôle toutes les 15 minutes lors de son premier jour de détention lundi, à un toutes les 30 minutes au deuxième jour. « Ca n’aurait pas dû arriver, mais malheureusement cela a eu lieu (…) malheureusement le pronostic des experts (en psychologie) n’a pas été confirmé » par les faits, a relevé le ministre saxon de la Justice, Sebastian Gemkow.
Pendaison.
Jaber al-Bakr a été retrouvé pendu à la fenêtre de sa cellule avec son tee-shirt, mercredi à 19h45, et a été déclaré mort 30 minutes après, les tentatives de réanimation ayant échouées. Une autopsie est en cours. « Je suis incroyablement choqué et absolument stupéfait que cela ait pu se produire », avait déclaré mercredi soir son avocat commis d’office, Alexander Hübner, qualifiant l’affaire de « scandale judiciaire » son client étant en grève de la faim depuis son incarcération et ayant tenté de s’électrocuter.
Critiques.
La police avait déjà été critiquée dans les médias pour l’arrestation ratée samedi à Chemnitz (Saxe) d’al-Bakr, alors même qu’il était sous surveillance. Selon les autorités, le suspect préparait un attentat au nom de l’organisation de l’État islamique (EI) contre un des aéroports de Berlin: 1,5 kilo de TATP avait été retrouvé chez lui. Selon les services de renseignement, il aurait pu passer à l’acte « dès cette semaine ».
Attentat déjoué: les Syriens qui ont aidé la police érigés en héros.
ALLEMAGNE. D’Angela Merkel à la police en passant par les réseaux sociaux : les Syriens qui ont permis l’arrestation de leur compatriote suspecté de vouloir commettre un attentat en Allemagne étaient érigés en héros lundi, coupant l’herbe sous le pied des anti-migrants.
« Je célèbre le fait qu’un Syrien livre une personne soupçonnée de terrorisme. Et vous Pegida et les autres ? » a raillé Julia Frick sur Twitter, en référence à ce mouvement qui organise depuis deux ans des manifestations contre les réfugiés et les musulmans.
Livré pieds et poings liés.
Jaber Albakr a été livré pieds et poings liés dans la nuit de dimanche à lundi par trois Syriens qui l’ont hébergé dans leur appartement à Leipzig avant de réaliser qu’il s’agissait de l’homme recherché par toutes les polices du pays depuis samedi.
« Il a essayé de nous soudoyer avec de l’argent. Nous lui avons dit qu’il pouvait nous donner autant d’argent qu’il voulait, nous ne le laisserions jamais partir », a témoigné l’un d’eux, Mohamed A., auprès de la chaîne de télévision allemande RTL, lors d’une interview filmée de dos, l’homme affirmant craindre d’éventuelles représailles.
Selon le journal Bild, le fugitif a proposé 1.000 euros et 200 dollars à ses compatriotes.
« J’étais vraiment en colère contre lui, je ne peux pas accepter ça, surtout ici en Allemagne, le pays qui nous a ouvert ses portes », a-t-il ajouté, ses propos étant traduits de l’arabe en allemand par RTL.
Toujours selon Bild, Jaber Albakr avait posté une annonce sur un forum de réfugiés, indiquant qu’il cherchait désespérément un logement et qu’il se trouvait à la gare de Leipzig, où Mohamed A. a été le chercher samedi.
Il s’est fait raser la tête.
Dimanche, le fugitif émet le souhait de changer de coupe de cheveux. Mohamed A. lui rase donc la tête, ce dernier ayant autrefois travaillé comme coiffeur, raconte Bild.
Plus tard dans la journée, Mohamed A. voit l’avis de recherche sur Facebook et commence à douter de l’identité du jeune homme.
Une fois certain d’être en présence du fugitif, lui et ses compagnons le ligotent à l’aide de rallonges, comme le montre une photo diffusée par Bild et RTL, avant que l’un d’eux ne se rende au commissariat, armé de cette photo, pour le dénoncer.
« C’est précisément le genre de comportement citoyen que promeuvent le (parti de droite populiste, NDLR) AfD et Pegida », a ironisé Florian Flade sur Twitter. « Terroriste arrêté : Pegida et les autres: 0, réfugiés: 1 », a lancé un autre utilisateur de ce réseau social.
« Un signal positif ».
L’arrestation de ce Syrien de 22 ans, qui était très proche de commettre un attentat, apparemment pour le compte du groupe État islamique (EI) selon la police, a relancé le débat sur le contrôle des réfugiés, dont quelque 890.000 sont arrivés en Allemagne l’an dernier. Ce d’autant plus que le pays a connu en juillet deux attentats commis par des réfugiés et revendiqués par l’EI.
Mais l’aide décisive apportée par ces trois Syriens à la police représentait pour beaucoup la preuve que les amalgames n’ont pas lieu d’être.
« C’est un signal très positif qui montre que tous (les réfugiés) ne doivent pas être soupçonnés », s’est ainsi réjoui un dirigeant du syndicat de policiers BDK, Sebastian Fiedler.
Félicitations d’Angela Merkel.
Qualifié de « courageux » et « responsable » par le chef du gouvernement de Saxe Stanislaw Tillich, la région où s’est déroulée la chasse à l’homme ce weekend, le Syrien qui a prévenu la police a même été félicité lundi par la chancelière Angela Merkel.
Par la voix d’une porte-parole, celle-ci a exprimé sa « gratitude à l’égard du Syrien qui a informé la police sur la présence du suspect et apporté ainsi une contribution décisive à son arrestation ».
« C’est un héros », a déclaré à l’AFP l’un de ses voisins, Jihad Darwish, un Syrien de 47 ans. « J’aurais fait la même chose », a-t-il assuré, avant de conclure : « tous les Syriens ne sont pas comme » Jaber Albakr.