En tuant Soleimani, Washington prend une mesure radicale aux effets inconnus.
L’assassinant du chef de la Force Al-Qods, une personnalité « irremplaçable » ayant dirigé les milices iraniennes au Moyen-Orient, assène un coup sérieux à l’expansionnisme iranien.
Pour Orna Mizrahi, le raid sur Soleimani — qui a également tué le vice-commandant d’une puissante milice pro-iranienne, Abu Mahdi al-Muhandis — est la preuve que Washington est toujours capable et prêt à agir militairement contre l’Iran.
Ennemi clé non seulement des États-Unis et d’Israël mais également des nations sunnites du Moyen-Orient, Soleimani avait été menacé d’assassinat par divers acteurs gouvernementaux au fil des ans. L’année dernière, Téhéran clamait avoir déjoué une atteinte « israélo-arabe » à la vie du général, arrêtant trois personnes en lien avec le complot. Le chef de la Force al-Qods clamait avoir survécu à une frappe israélienne lors de la Seconde Guerre du Liban de 2006.
La survie de Soleimani peut être imputée au rebut de ses ennemis de porter le poids de la mort d’une personnalité iranienne si capitale, ainsi qu’à sa prudence lors de ses déplacements et de ses activités lors de ses voyages dans la région pour rencontrer des alliés clés.
En effet, le général de la Force al-Qods aurait eu recours à de nombreux leurres en quittant l’aéroport de Bagdad jeudi soir, tout juste arrivé de Beyrouth. Cependant, sa vigilance était visiblement futile, puisque l’aviation américaine a été en mesure de frapper spécifiquement les véhicules dans lesquels lui et al-Muhandis se trouvaient, démontrant un niveau de renseignements impressionnant.
« Les Américains viennent de montrer qu’ils savent répondre lorsqu’ils le veulent », estime Orna Mizrahi. « Il s’agit d’un grand succès pour les États-Unis. »
D’après celui qui a occupé différentes hautes fonctions au sein du renseignement militaire israélien et du bureau du Premier ministre, il est probable que Washington voulait que cette frappe fasse office de K.O, plutôt que de stratégie en faveur d’une guerre plus vaste. Sous Trump et Obama, les États-Unis se sont efforcés de se désengager du Moyen-Orient, pas de s’impliquer davantage dans les conflits régionaux.
Il est encore trop tôt pour savoir comment l’Iran compte se venger. Du fait, en majeure partie, des efforts de Soleimani ces 20 dernières années, Téhéran dispose de nombreuses options et lieux pour mener des représailles au travers de ses représentants au Moyen-Orient — les milices chiites en Irak et en Syrie, le Hezbollah au Liban et les Houthis au Yémen.
Bien que les États-Unis aient revendiqué la responsabilité de cette attaque, Téhéran et ses bras armés pourraient tenter de se venger en frappant des alliés américains comme l’Arabie saoudite et Israël.
S’exprimant aux médias d’État iraniens, le porte-parole des gardiens de la Révolution Ramezan Sharif a explicitement menacé l’État d’Israël de représailles.
« La joie fugace des Américains et des sionistes se transformera en tristesse en un rien de temps », a-t-il averti.
Même si Téhéran s’abstient traditionnellement de perpétrer des frappes de grande ampleur directement depuis son territoire par peur de représailles, préférant passer par les pays où opèrent ses alliés — une telle frappe n’est en aucun cas inconcevable.
En plus de ripostes physiques, Téhéran pourrait faire appel à des opérations de piratage informatique contre les États-Unis et consorts.
Le régime de Khamenei, qui devait déjà annoncer d’autres violations de l’accord nucléaire la semaine prochaine, pourrait également décider d’accroître son enrichissement d’uranium en réaction à l’élimination de Soleimani.
Rien n’est inévitable ni certain. L’histoire récente du Moyen-Orient renferme plusieurs exemples d’éminentes personnalités ayant été éliminées sans donner lieu à des représailles.
En 2004, Israël a tué le fondateur du Hamas, Ahmed Yassin, lors d’une attaque aérienne sur Gaza. La période qui s’en est suivie avait connu un déclin du terrorisme palestinien et plus tard, la fin de la Seconde Intifada. En 2008, un cadre du Hezbollah Imad Mughniyeh avait été assassiné dans l’explosion de sa voiture à Damas lors d’une opération imputée au Mossad et à la CIA. Malgré les menaces belliqueuses de « guerre ouverte » proférées par le numéro un actuel du Hezbollah, Hassan Nasrallah, les frontières nord étaient restées relativement calmes.
Alors qu’Israël et les autres ennemis de l’Iran dans la région doivent se préparer à d’éventuelles représailles, on ignore clairement si les ramifications de la mort de Soleimani se produiront à court et long terme.
« À ce stade, nous devrions employer plus de points d’interrogation que de points d’exclamation », estime Orna Mizrahi.